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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/182

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— Entendez-vous cela, Eau-salée ? Entendez-vous ce que dit la fille du sergent ? Et elle a trop de sincérité, trop de droiture ; oui, et elle est trop jolie pour ne pas penser ce qu’elle dit. Tant qu’elle sera contente de moi comme je suis, je n’irai pas contre ma nature en cherchant à être autre chose que ce que la Providence m’a fait. Ici, dans une garnison, je puis paraître inutile ; mais quand nous serons là-bas dans les Mille-Îles, il peut y avoir quelque occasion de prouver qu’une carabine sur laquelle ou peut compter est quelquefois un présent de Dieu.

— Vous devez donc être de la partie ? — dit Mabel au guide avec un si doux sourire, qu’il l’aurait suivie jusqu’au bout du monde. — À l’exception de la femme d’un soldat, je serai la seule personne de mon sexe, et je ne m’en trouverai que plus en sûreté si vous êtes du nombre de nos protecteurs.

— Le sergent vous protégera, Mabel ; il vous protégerait quand même vous ne seriez pas de son sang. Tout le monde vous protégera. Mais je crois que votre oncle aimera une expédition de cette sorte, quand nous serons sous voiles et qu’il se verra au milieu de cette mer intérieure.

— Votre mer intérieure n’est pas grand-chose, maître Pathfinder, et je n’en attends absolument rien. J’avoue pourtant que je voudrais connaître le but de cette croisière, car on n’aime pas à être inutile, et mon beau-frère le sergent à la bouche close comme un franc-maçon. Savez-vous ce qu’on se propose, Mabel ?

— Pas le moins du monde, mon oncle. Je n’ose faire aucune question à mon père sur ce qui a rapport à son service, car il me répondrait que cela ne regarde pas une femme. Tout ce que je puis dire, c’est que nous partirons dès que le vent le permettra, et que nous devons être absents environ un mois.

— Pathfinder pourra peut-être m’en dire un mot. J’en serais charmé, car un voyage sans objet n’est jamais agréable à un vieux marin.

— Le port où nous allons, et l’objet que nous nous proposons, ne sont pas un grand secret, Eau-salée, quoiqu’il soit défendu d’en parler dans la garnison. Du reste, je ne suis pas soldat, et je puis me servir de ma langue comme bon me semble, quoique je me flatte qu’on n’a pas à me reprocher des discours frivoles et inutiles. Or, comme nous devons partir dans si peu de temps, et que vous devez tous deux être du voyage, autant vaut que vous sachiez où l’on va vous conduire. Je suppose que