Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/198

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— Pourquoi donc est-il resté si long-temps parmi les Français ? — D’où lui vient ce nom d’Eau-douce ? j’ai appris aussi qu’il parle la langue du Canada.

— Tout cela s’explique aisément, major. L’enfant fut laissé sous la garde d’un de nos mariniers dans l’ancienne guerre, et il se prit à l’eau comme un canard. Votre Honneur sait que nous n’avons pas, sur notre rive de l’Ontario, ce qu’on peut appeler un port ; et naturellement il passa la plus grande partie de son temps sur l’autre côte, où les Français ont eu quelques navires depuis une cinquantaine d’années, et il apprit d’eux à parler leur langue sans y penser ; enfin son sobriquet lui a été donné par les Indiens du Canada qui aiment à appeler un homme par un nom qui indique ses facultés.

— Un maître français n’est pas ce qu’il faut pour l’instruction d’un marin anglais.

— Jasper Eau-douce a appris sa profession sous un véritable marin anglais, major Duncan ; sous un homme qui avait servi sous le pavillon du roi, et qu’on peut appeler complètement instruit ; c’est-à-dire qui était né dans les colonies, et qui n’en valait pas moins pour cela, j’espère, major.

— Peut-être non, sergent, peut-être non, mais ce n’est pas dire qu’il en valût mieux. Quant à ce Jasper, je conviens qu’il s’est bien conduit, et depuis que je lui ai donné le commandement du Scud, personne n’aurait pu se comporter avec plus de courage et de loyauté.

— Je vois avec regret, monsieur, que vous avez quelques doutes sur la fidélité de Jasper.

— Il est du devoir d’un soldat chargé de garder un poste éloigné et important comme celui-ci, de ne jamais se relâcher de sa vigilance, Dunham. Nous avons à combattre deux des ennemis les plus astucieux, chacun à leur manière, que ce monde ait jamais produits, — les Indiens et les Français ; et il faut avoir les yeux ouverts sur tout ce qui pourrait nous nuire.

— J’espère que Votre Honneur me juge digne de connaître les motifs particuliers que vous pouvez avoir pour vous méfier de Jasper, puisque vous m’avez jugé digne de commander cette expédition.

— Si j’hésite à vous révéler tout ce que je puis savoir Dunham, ce n’est point parce que je me méfie de vous ; c’est parce qu’il me répugne de faire circuler des bruits fâcheux contre un jeune