Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/251

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oncle, et chacun en sait plus qu’un vieux marin. Tout cela est la nature humaine, maître Pathfinder, mais du diable si je suis homme à dévier d’une brasse à bâbord ou à tribord pour toute la nature humaine qui peut se trouver dans une mijaurée d’une vingtaine d’années ; — non, — ajouta-t-il en baissant un peu la voix, — ni pour tout ce qu’on pourrait en mettre en parade dans le 55me régiment d’infanterie de Sa Majesté. Je n’ai point passé quarante ans sur mer pour venir sur une mare d’eau douce apprendre ce que c’est que la nature humaine. — Mais comme cet ouragan est opiniâtre ! Il fait autant de vent en ce moment que si le vieux Borée avait pris, en main son soufflet. — Et qu’est-ce que je vois là-bas sous le vent ? — ajouta-t-il en se frottant les yeux ; c’est la terre, aussi sûr que je me nomme Cap, et une terre dont la côte est élevée.

Pathfinder ne répondit rien, mais secouant la tête, il examina avec attention la physionomie de son compagnon, tandis que la sienne exprimait une vive inquiétude.

— C’est la terre, aussi certain que ce bâtiment est le Scud. — Une côte sous le vent, et cela à une lieue de nous, avec une aussi jolie chaîne de brisants que l’on peut en trouver sur toute la côte de Long-Island.

— Et cela est-il encourageant ou décourageant ? — demanda Pathfinder.

— Ah ! — encourageant ! — décourageant ! — Non, cela n’a rien d’encourageant ; mais quant au découragement, rien ne doit décourager un marin. Jamais vous n’êtes découragé ni effrayé dans les bois, Pathfinder ?

— Je ne dirai pas cela, — je ne le dirai pas. Quand le danger est grand, il est dans ma nature de le voir, de l’apprécier et de tâcher de l’éviter ; sans quoi ma chevelure serait depuis longtemps dans le wigwam d’un Mingo. Mais sur ce lac, je ne puis voir de piste, et je sens qu’il est de mon devoir de me soumettre ; cependant je crois que nous devrions nous souvenir qu’il y a une personne comme Mabel sur ce bord. — Mais voici son père qui vient, et son cœur lui parlera naturellement pour son enfant.

— Frère Cap, — dit le sergent en arrivant, — d’après ce que je viens d’entendre dire à deux hommes de l’équipage, je crois que notre situation devient très-sérieuse. Ils disent que le cutter ne peut porter plus de voiles, et que la dérive est si grande, que