Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/332

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— Un homme pouvoir le dire, quelque Yengeese parler français.

Mabel sentit un froid glacial sur son cœur. Tous les soupçons contre Jasper, soupçons qu’elle avait repoussés jusqu’alors, revinrent à la fois à sa pensée ; et la sensation qu’ils lui causèrent fut si douloureuse qu’elle crut un instant qu’elle allait s’évanouir. Faisant un effort sur elle-même et se rappelant ce qu’elle avait promis à son père, elle se leva et marcha de long en large dans la hutte durant quelques minutes, s’imaginant que les torts de Jasper lui étaient indifférents, quoiqu’elle trouvât au fond de son cœur le désir de le croire innocent.

— Je comprends votre pensée, — dit-elle alors ; vous voulez me faire entendre qu’un traître a enseigné à vos compatriotes la manière d’arriver dans cette île ?…

L’Indienne sourit, car à ses yeux l’artifice en guerre était plus souvent un mérite qu’un crime ; elle était aussi trop dévouée à sa tribu pour en dire plus que l’occasion ne l’exigeait. Son but étant de sauver Mabel, et Mabel seulement, elle ne voyait nulle raison d’aller plus loin.

— Face-pâle savoir maintenant, — ajouta-t-elle, — fort être bon pour les femmes ; moi rien dire des hommes et des guerriers.

— Mais moi j’en parle, Rosée-de-Juin ; l’un de ces hommes est mon oncle, je l’aime, et les autres sont mes compatriotes et mes amis. Je dois leur dire ce qui s’est passé.

— Alors Rosée-de-Juin tuée, — répondit l’Indienne avec calme, quoique son chagrin fût évident.

— Non ! Ils ne sauront pas que vous êtes venue ici. Mais il faut qu’ils soient sur leurs gardes, et nous irons tous dans le fort.

— Arrowhead savoir et voir toutes choses, — Rosée-de-juin tuée. Venue parler à la jeune amie la face-pâle, pas aux hommes. Chaque guerrier veiller sur sa propre fille. Rosée-de-juin être femme, parler aux femmes, pas aux hommes.

Mabel fut très affligée de cette déclaration de son amie. Il devenait évident qu’elle avait compté que sa confidence resterait secrète. Mabel ignorait jusqu’à quel point ces peuples mettaient leur honneur à garder un secret ; elle savait encore moins combien une indiscrétion de sa part pouvait compromettre la jeune Indienne et mettre sa vie en danger. Toutes ces considérations