Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/333

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se présentaient à la fois à son esprit, et la réflexion ne servait qu’à rendre leur influence plus pénible. Rosée-de-juin ainsi semblait très grave ; réunissant divers petits objets qu’elle avait mis de côté pour prendre la main de Mabel, elle se préparait au départ. Tenter de la retenir était hors de question, et la quitter ainsi après tout ce qu’elle avait hasardé pour la servir répugnait à tous les sentiments justes et affectueux qui remplissaient le cœur de notre héroïne.

— Rosée-de-juin, — dit-elle vivement en entourant de ses bras cette créature pleine de bonté, mais qui ne devait rien qu’à la nature, — nous sommes amies. Vous n’avez rien à craindre de moi, nul ne saura votre visite. Si vous le pouvez, donnez-moi quelque signal au moment du danger, quelque indice qui m’annonce l’instant où je dois aller dans le fort.

L’Indienne s’arrêta, car elle s’occupait encore des préparatifs de son départ, puis elle dit doucement :

— Vous donner à moi un pigeon.

— Un pigeon ? où puis-je en trouver pour vous le donner ?

— Dans la hutte voisine ; — vous en prendre un vieux. — Rosée-de-juin aller à la pirogue.

— Je crois vous comprendre ; mais ne ferais-je pas mieux de vous reconduire aux buissons, de peur que vous ne rencontriez quelques-uns de nos hommes.

— Vous sortir d’abord et compter les hommes, — un, deux, trois, quatre, cinq, six. — Rosée-de-juin leva ses doigts en riant, — tous hors du chemin, — bon — tous, excepté un ; vous l’appeler à l’écart, — ensuite chanter, puis chercher pigeon.

Mabel sourit de l’ingénieuse adresse de la jeune fille et se prépara à faire ce qu’elle demandait ; arrivée à la porte elle s’arrêta néanmoins, et, se retournant, regarda encore l’Indienne d’un air suppliant.

— Ne puis-je espérer en savoir davantage ? — dit-elle.

— Tout savoir maintenant, fort être bon, — pigeon tout vous dire, Arrowhead tuer moi.

Ce dernier mot suffisait. Mabel ne pouvait rien demander de plus, lorsque sa compagne elle-même lui disait que le châtiment de ses révélations pouvait être la mort de la main de son mari. Ouvrant alors la porte, elle fit un signe d’adieu à l’Indienne et sortit de la hutte. Elle employa le simple expédient suggéré par sa jeune amie pour s’assurer de l’occupation des habitants de