Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/361

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la porte avant de paraître remarquer l’agitation de Mabel qui voulait l’embrasser.

— Soyez bénie ! soyez bénie par le ciel, Rosée-de-Juin ! — s’écria notre héroïne avec ardeur ; — vous êtes envoyée par la Providence pour être mon ange gardien.

— Vous pas serrer moi si fort, — répondit la Tuscarora ; femme à face-pâle toujours pleurer ou toujours rire. Vous laisser moi fermer la porte.

Mabel devint plus calme, et peu de minutes après elles étaient dans la chambre au-dessus assises l’une près de l’autre et se tenant la main. Tout sentiment de méfiance et de rivalité était effacé, d’un côté, par le souvenir des bienfaits reçus, de l’autre par la pensée des services rendus.

— Dites-moi à présent, — demanda Mabel aussitôt qu’elle eut donné et reçu un tendre embrassement, — avez-vous vu ou appris quelque chose de mon pauvre oncle ?

— Rien. Personne l’avoir vu, personne l’avoir entendu, personne savoir rien. Moi croire Eau-salée parti sur la rivière, car non trouver lui. Quartier-maître parti aussi. Moi avoir regardé, regardé, regardé, mais pas vu l’un ni l’autre nulle part.

— Dieu soit loué ! ils se seront échappés, quoique nous ne sachions pas comment. Je crois avoir vu un Français dans l’île ?

— Oui, capitaine français venu, mais sorti aussi. Indiens beaucoup dans l’île.

— Oh ! Rosée-de-Juin, n’y a-t-il aucun moyen d’empêcher mon père chéri de tomber entre les mains de ses ennemis ?

— Pas savoir ; moi penser guerriers être en embuscade, et Yengeese devoir perdre leur chevelure.

— Sûrement, sûrement, Rosée-de-Juin, vous qui avez tant fait pour la fille, vous ne refuserez pas de secourir le père.

— Pas connaître le père, pas aimer le père. Rosée-de-Juin servir sa nation, servir Arrowhead. — Mari à moi aimer une chevelure.

— Je ne vous reconnais pas ; — je ne puis ni ne veux croire que vous désiriez voir nos soldats massacrés !

Rosée-de-Juin leva tranquillement ses yeux noirs sur Mabel, et ils exprimèrent un instant une sévérité qui fut bientôt remplacée par un air de tristesse et de compassion.

— Lys, fille Yengeese ? — dit-elle d’un ton interrogatif.

— Certainement, et c’est comme fille Yengeese que je voudrais sauver mes compatriotes qui vont être massacrés.