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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/37

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LE LAC ONTARIO.

arrive enfin sur le bord d’une sorte de terrasse naturelle, d’où il fait une chute de dix à quinze pieds en tombant sur un autre niveau, où il glisse ou coule avec le silence furtif d’une eau profonde jusqu’à ce qu’il verse son tribut dans l’immense réservoir de l’Ontario. La pirogue sur laquelle Cap, sa nièce et Arrowhead étaient venus du fort Stanwix, dernier poste militaire sur le Mohawk, était près du rivage, et toute la compagnie y entra, à l’exception de Pathfinder, qui resta à terre pour pousser le léger esquif en pleine eau.

— Jasper, — dit l’homme des bois au jeune marin des lacs, qui avait dépossédé Arrowhead de la barre, et pris la place qui lui appartenait comme pilote, — mettez l’arrière du canot en avant, comme si nous voulions remonter la rivière. Si quelques-uns de ces infernaux Mingos trouvent notre piste et la suivent jusqu’ici, ils ne manqueront pas d’examiner les traces que la pirogue aura laissées sur la boue, et quand ils verront qu’elle avait le nez tourné contre le courant, ils ne s’imagineront pas que nous le suivons.

Ce conseil fut suivi, et poussant vigoureusement la pirogue, Pathfinder, qui était dans la force de l’âge et plein d’agilité, fit un saut et tomba légèrement sur l’avant de l’esquif sans en déranger l’équilibre. Dès qu’il eut atteint le milieu de la rivière, on fit virer la pirogue qui commença à suivre sans bruit le courant.

L’esquif sur lequel Cap et sa nièce s’étaient embarqués pour leur long et aventureux voyage, était un de ces canots d’écorce que les Indiens sont dans l’habitude de construire et qui par leur grande légèreté et l’aisance avec laquelle ou peut les conduire, sont admirablement adaptés à une navigation dans laquelle on rencontre souvent des bas-fonds, des bois flottants et d’autres obstacles semblables. Les deux hommes qui en composaient le premier équipage l’avaient souvent porté plusieurs centaines de toises quand le bagage en avait été retiré, et il n’avait pas fallu plus que la force d’un homme pour le soulever. Il était pourtant long et même large pour une pirogue, ce qui le rendait très-volage, c’était son principal défaut. Quelques heures de pratique y avaient pourtant remédié en grande partie, et Mabel et son oncle avaient si bien appris à se prêter à ses mouvements, qu’ils maintenaient alors leurs places avec un sang-froid parfait ; et le poids de trois hommes de plus ne parut même pas la met-