Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/381

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C’est plus que je ne mérite, et je crains de ne pas savoir profiter comme je le devrais d’un tel bien. Mais vous n’aviez pas besoin de faire cette promesse pour m’engager à servir le sergent ; nous sommes de vieux camarades, et nous nous devons la vie mutuellement. Mais j’ai peur, Mabel, qu’être le vieux camarade d’un père ne soit une pauvre recommandation auprès d’une jeune fille.

— Vous n’avez pas besoin d’autre recommandation que vos actions, votre courage, votre fidélité. Tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, Pathfinder, ma raison l’approuve ; j’espère, je suis sûre que mon cœur la suivra.

— Voila un bonheur que j’espérais peu cette nuit ; mais nous sommes entre les mains de Dieu, et il nous protégera suivant sa volonté. Vos paroles sont douces, Mabel. Je n’en avais pas besoin pour faire tout ce qu’il est en la puissance d’un homme de faire ; mais elles ne diminueront pas non plus mon ardeur.

— Maintenant, Pathfinder, — nous nous comprenons l’un et l’autre, — dit Mabel d’une voix affaiblie. — Ne perdons pas un seul de ces précieux moments qui ont une valeur incalculable. Ne pouvons-nous pas nous mettre dans votre pirogue et aller à la rencontre de mon père ?

— Ce n’est pas mon avis. Je ne sais par quel passage le sergent doit arriver, et il y en a vingt. Reposez-vous sur le Serpent, il les parcourra tous. Non, non, mon avis est de rester ici. Les troncs d’arbres qui forment les murs de ce fort sont encore verts ; il ne serait pas facile d’y mettre le feu, et je puis tenir ici, à moins d’incendie, contre une tribu. La nation iroquoise ne saurait me déloger de ce fort, tant que je pourrai le garantir des flammes. Le sergent est maintenant campé dans quelque île, et il n’arrivera pas avant le jour. Si nous restons dans le fort, nous pouvons l’avertir de se tenir sur ses gardes, en tirant quelques coups de carabine, par exemple ; et s’il se décide à attaquer les sauvages, comme un homme de son caractère le fera sans doute, la possession de ce bâtiment sera d’une grande importance. Si notre but est de servir le sergent, ma raison me dit : Reste, quoiqu’il ne nous fût pas difficile de nous échapper l’un et l’autre.

— Restez, Pathfinder, — murmura Mabel, restez pour l’amour du ciel ; tout, tout au monde pour mon père !

— Oui, c’est la nature. Je suis content, Mabel, de vous entendre parler ainsi ; car je désire voir le sergent bien soutenu. Jusqu’ici il a maintenu sa réputation, et s’il parvient à chasser ces