Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/384

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pour empêcher Rosée-de-Juin de s’échapper ; éteignant la chandelle, il courut à la hâte à une meurtrière ; Mabel, respirant à peine, regardait par-dessus son épaule. Une ou deux minutes s’écoulèrent pendant ces divers mouvements, et lorsque l’œil du guide se fut habitué à l’obscurité et eut reconnu les objets, deux bateaux longèrent la côte de l’île, et s’arrêtèrent à environ vingt-cinq toises du fort, à un endroit où l’on pouvait aisément débarquer. L’obscurité empêcha Pathfinder d’en voir davantage, et il dit tout bas à Mabel que les nouveaux venus pouvaient être aussi bien des ennemis que des amis, car il ne croyait pas possible que son père arrivât si tôt. On vit alors plusieurs hommes quitter les bateaux, puis on entendit trois acclamations en anglais qui ne laissèrent plus aucun doute sur le caractère de la troupe. Pathfinder s’élança à la trappe, glissa jusqu’au bas de l’échelle, et commença à lever les barres de la porte avec une ardeur qui prouvait combien le moment lui semblait critique. Mabel l’avait suivi, mais elle retardait plutôt qu’elle n’aidait ses efforts, et une seule barre était enlevée lorsqu’une décharge de mousqueterie se fit entendre.

Ils écoutaient encore dans la plus affreuse inquiétude, quand le cri de guerre des sauvages retentit dans tous les buissons d’alentour. Aussitôt que la porte fut ouverte, Pathfinder et Mabel se précipitèrent dehors.

Tout bruit humain avait cessé. Cependant, après avoir écouté une demi-minute, Pathfinder crut entendre de sourds gémissements auprès des bateaux, mais le murmure du vent et le bruissement des feuilles se mêlaient à ce bruit vague et le rendaient incertain. Mabel, emportée par ses alarmes, le dépassa et se dirigea vers les bateaux.

— Non, Mabel, dit le guide d’une voix ferme quoique basse, en la saisissant par le bras, non, il n’en sera pas ainsi, une mort certaine en serait la suite, et vous ne serviriez personne ; il faut retourner au fort.

— Mon père, mon pauvre père assassiné ! — s’écria la jeune fille au désespoir, quoique l’habitude de la prudence, même dans un moment aussi critique, modérât sa voix. Pathfinder, si vous m’aimez, laissez-moi aller vers mon père.

— Non, Mabel, c’est impossible. Il est singulier que personne ne parle ; on n’a point fait feu des bateaux ; et j’ai laissé Tue-Daim dans le fort.