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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/402

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la trappe, — voilà ce que font les Mingos, plus de bruit que de besogne. Les vagabonds ont l’obusier que nous avions pris aux Français et l’ont déchargé contre le fort. Mais heureusement ils ont employé la seule bombe qui fût en leur pouvoir, et ils ne peuvent recommencer pour le moment. Il y a quelque dégât là-haut ; mais personne n’est blessé ; votre oncle est toujours sur le toit. Quant à moi, j’ai soutenu le feu de trop de mousquets pour m’effrayer d’un obusier, surtout quand il est entre des mains indiennes.

Mabel murmura quelques remerciements et chercha à donner toute son attention à son père, dont les efforts pour se lever ne furent arrêtés que par sa faiblesse. Pendant les terribles instants qui suivirent, elle ne fut occupée que du soin du blessé, et elle entendait à peine les clameurs qui s’élevaient autour d’elle. Le tumulte était si grand que si ses pensées n’eussent pas été absorbées, elle en eût été probablement plutôt étourdie qu’alarmée.

Cap conservait un calme admirable, il avait un respect profond et toujours croissant pour le pouvoir des sauvages, et même pour la majesté de l’eau douce ; mais l’effroi que lui inspiraient les premiers venait plutôt de la crainte d’être scalpé et mis à la torture, que de celle de la mort. Or, comme il était sur le toit d’une maison, sinon sur le pont d’un navire, il n’y avait aucun danger d’abordage. Il allait et venait avec une aisance et une témérité que Pathfinder lui-même aurait condamnées s’il en avait été témoin. Au lieu de se tenir à couvert, suivant l’usage des Indiens pendant la guerre, on le voyait çà et là sur le toit, versant de l’eau à droite et à gauche, avec le sang-froid qu’il eût manifesté s’il eût été chargé d’orienter les voiles d’un vaisseau pendant un combat naval. C’était sa vue qui excitait des clameurs extraordinaires parmi les assaillants. N’ayant point l’habitude de voir leur ennemi aussi tranquille, ils le poursuivaient de leurs hurlements, comme une meute de chiens qui a un renard en vue. Mais il semblait posséder un charme magique, car quoique les balles sifflassent autour de sa tête et que ses vêtements fussent souvent percés, sa peau ne fut jamais entamée. Lorsque la bombe traversa la muraille, le vieux marin laissa tomber son baquet, agita son chapeau en l’air, et poussa trois hourras d’une voix retentissante ; il était encore occupé à cette héroïque bravade lorsque la bombe éclata. Ce fait caractéristique lui sauva probablement la vie, car depuis ce moment les Indiens cessèrent