Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de tirer sur lui, et même de décocher des flèches enflammées sur le toit. Une même pensée frappa subitement leur esprit, et d’un commun accord ils décidèrent qu’Eau-salée était fou, et un des singuliers effets de la magnanimité des sauvages, est qu’ils ne lèvent jamais la main contre ceux qu’ils croient privés de raison.

La conduite de Pathfinder était bien différente ; chacune de ses actions était réglée par le plus exact calcul, résultat d’une longue expérience et d’habitudes réfléchies ; il avait soin de ne point présenter son corps dans la ligne des meurtrières, et le lieu qu’il avait choisi était éloigné de tout danger. Ce guide célèbre avait vu souvent ses espérances trompées. Il avait une fois été attaché au poteau, souffrant toutes les tortures et les cruautés que pouvait inventer le génie fertile des sauvages, sans jeter un cri, et l’on racontait tout le long de cette immense frontière, partout où les hommes habitaient et se battaient, des légendes sur ses exploits, son calme et son audace. Mais dans cette occasion ceux qui n’auraient connu ni son histoire, ni sa réputation, auraient pu croire que ce soin excessif de sa conversation prenait sa source dans un motif indigne de lui ; mais un tel juge n’aurait pas compris Pathfinder. Il songeait à Mabel et au sort de cette pauvre fille s’il était lui-même tué ou blessé. Ce souvenir augmentait plutôt son intelligence qu’il ne changeait sa prudence habituelle. Il était en effet si peu habitué à craindre, qu’il ne songeait jamais aux jugements qu’on pourrait porter sur sa conduite ; et tandis que, dans les moments de danger, il agissait avec la prudence du serpent, c’était aussi avec la simplicité d’un enfant.

Pendant les dix premières minutes de l’attaque, Pathfinder ne souleva pas un instant sa carabine, excepté lorsqu’il changeait de position ; car il savait bien que les balles de l’ennemi ne pouvaient faire impression sur les énormes troncs d’arbres qui formaient les murailles, et comme il avait assisté à la prise de l’obusier, il savait très-bien que les sauvages n’avaient pas d’autres bombes. Il n’existait donc aucune raison de craindre le feu des assaillants, à moins qu’une balle n’entrât par hasard par une meurtrière. Cet incident eut lieu une ou deux fois ; mais les balles entraient à un angle qui leur ôtait toute chance de blesser quand les Indiens tiraient près de la forteresse, et, s’ils s’éloignaient, il était à peine possible qu’une sur cent passât par les ouvertu-