Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/465

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Dunham, par exemple, lorsqu’il servait dans un autre corps. Cependant, Jasper, je ne regrette pas de vous avoir connu…

— Et moi, Pathfinder ? — interrompit impétueusement Mabel, regrettez-vous de m’avoir connue ? Si je le pensais, je ne serais jamais en paix avec moi-même.

— Vous, Mabel, — répondit le guide en lui prenant la main et la regardant en face avec la simplicité d’un enfant, mais avec une vive affection ; comment pourrais-je être fâché qu’un rayon de soleil ait percé l’obscurité d’un jour ténébreux ? que la lumière ait dissipé un moment les ténèbres ? Je ne puis pas espérer d’avoir le cœur aussi léger et de dormir aussi profondément qu’autrefois d’ici à quelque temps ; mais je me rappellerai toujours combien je fus près d’un bonheur non mérité. Loin de vous blâmer, Mabel, je me blâme moi-même d’avoir été assez vain pour croire qu’il était possible que je pusse plaire à une créature telle que vous. Car certainement vous m’avez dit la vérité lorsque nous avons causé ensemble sur la montagne, et j’aurais dû vous croire alors ; car il est naturel de supposer que les jeunes filles doivent mieux connaître ce qui se passe dans leur esprit que leur père. Ah ! tout est fini maintenant, et il ne me reste plus qu’à prendre congé de vous, afin de vous laisser partir. Maître Cap doit être impatient et nous risquons qu’il ne vienne à terre, pour voir ce que nous sommes devenus.

— Prendre congé de nous ! s’écria Mabel.

— Congé ! répéta Jasper. Vous ne pouvez avoir l’intention de nous quitter, mon ami ?

— C’est le meilleur parti à prendre, Mabel, c’est le parti le plus sage, Eau-douce. Si je ne suivais que mon cœur, je vivrais et je mourrais près de vous ; mais si je veux suivre les conseils de ma raison, je dois vous quitter ici. Vous retournerez à Oswego, et vous deviendrez mari et femme aussitôt votre arrivée, car tout est arrangé avec maître Cap, qui soupire de nouveau après la mer et qui sait ce qui doit arriver. Moi je retournerai à la solitude et à mon créateur. Venez, Mabel, — ajouta Pathfinder en se levant et s’avançant vers notre héroïne d’un air grave, embrassez moi ; Jasper ne sera pas jaloux d’un baiser au moment de mon départ.

— Ô Pathfinder ! — s’écria Mabel en se précipitant entre les bras du guide, et l’embrassant à plusieurs reprises, avec une franchise et une chaleur qu’elle avait été loin de manifester lors-