Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/464

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cela n’est pas nécessaire, je le sens, et c’est la même chose que si je l’entendais. J’ai eu une heure d’amertume, Mabel ; j’ai eu une heure de grande amertume, mon garçon…

— Une heure ! répéta Mabel ; et le sang qui avait reflué vers son cœur se répandit sur ses joues en une rongeur accusatrice. Une heure ! est-ce possible, Pathfinder ?

— Une heure ! s’écria Jasper au même instant ; non, non, mon digne ami, il n’y a pas dix minutes que vous nous avez quittés.

— Peut-être cela est-il ainsi, quoique ce temps m’ait semblé une journée. Je commence à croire néanmoins que les heureux comptent par minutes et les misérables par mois. Mais n’en parlons plus ; tout est fini maintenant ; en parler davantage ne vous rendrait pas plus heureux, tandis que cela ne ferait que m’apprendre mieux ce que j’ai perdu, et probablement combien je méritais de le perdre. Non, non, Mabel, il est inutile de m’interrompre, j’admets tout ce que vous pourriez me dire ; mais tout ce que vous me diriez, quoique dans les meilleures intentions, ne changerait rien à ma résolution. Jasper, elle est à vous, et quoique cela soit dur à dire, je crois que vous la rendrez plus heureuse que je n’aurais pu le faire, car votre nature est plus convenable pour cela, quoique je pense, si je me connais bien moi-même, que j’aurais fait tous mes efforts pour assurer son bonheur. Je n’aurais pas dû croire le sergent, et j’aurais dû avoir foi en ce que m’a dit Mabel près du lac, car la raison et le jugement auraient dû m’en montrer la vérité ; mais il est si doux de croire ce que nous désirons, et les autres nous persuadent si aisément ce que nous cherchons à nous persuader nous-mêmes ! Mais à quoi bon parler de tout cela, comme je le disais tout-à-l’heure ? Il est vrai que Mabel semblait y consentir, mais cela venait du désir de plaire à son père, et de la crainte d’être au milieu des sauvages.

— Pathfinder !

— Je vous comprends, Mabel, et je n’ai aucun reproche à vous faire. Je pense quelquefois que j’aimerais à vivre dans votre voisinage, afin d’être témoin de votre bonheur ; mais après tout, il vaut mieux que je quitte le 55e et que je retourne au 60e, qui est en quelque sorte mon régiment natal. Peut-être aurait-il mieux valu pour moi que je ne l’eusse jamais quitté, quoique mes services aient été de quelque utilité de ce côté-ci, et que j’eusse passé bien des années avec des soldats du 55me, le sergent