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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/149

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voyage, et il est à peine nécessaire d’ajouter que ce cœur était celui de Mercédès de Valverde. Elle avait suivi tous les événements qui venaient de se passer avec une anxiété que la jeunesse ardente, innocente et sans expérience, peut seule être capable d’éprouver. Au moment de voir toutes ses espérances se réaliser, elle était pénétrée d’une joie pure et tendre, elle se sentait heureuse. Quoiqu’elle aimât si véritablement et avec un dévouement si complet, la nature l’avait douée d’une sagacité et d’une intelligence trop supérieure pour ne pas reconnaître combien grande avait été la prudence de la reine et de sa tutrice, et ne pas s’expliquer leur hésitation. Elle savait trop ce qu’elle devait à sa réputation, à son nom, à sa famille, et au rang élevé qu’elle occupait auprès de la personne et dans la confiance de sa souveraine, pour désirer que sa main fût donnée à tout autre qu’à un époux digne d’elle ; et tandis qu’avec la dignité et la discrétion de son rang et de son sexe, elle déférait à tout ce que l’opinion et la prudence avaient droit d’exiger d’elle, une confiance sans bornes en son amant l’assurait qu’il saurait justifier son choix. Sa tante l’avait habituée à croire que le voyage du Génois devait amener de grands changements, et son enthousiasme religieux, semblable à celui de la reine, la portait à espérer tout ce qu’elle désirait avec une telle ardeur.

Tous ceux qui approchaient de la personne d’Isabelle savaient déjà qu’on s’occupait de rédiger par écrit les conditions convenues entre les souverains et Colomb, en les revêtissant des formes consacrées par l’usage. Pendant ce temps dont Luis ne chercha pas à avoir une entrevue avec sa maîtresse, et le hasard ne lui en procura pas l’occasion ; mais dès qu’il eut apprit que Colomb avait terminé tout ce qu’il avait jugé nécessaire à cet égard et avait quitté la cour pour se rendre sur la côte, il implora la générosité de sa tante, et la supplia de lui être favorable à l’instant où il allait quitter l’Espagne pour prendre part à une entreprise que tant de monde regardait comme désespérée. Tout ce qu’il demandait, était une promesse d’être accueilli avec bienveillance par sa maîtresse et sa famille, s’il revenait ayant réussi.

— Je vois que vous avez pris une leçon de votre nouveau maître, répondit la magnanime mais bonne Béatrix, en souriant, et vous voulez aussi faire vos conditions. Mais vous savez, Luis, que doña Mercédès de Valverde n’est pas la fille d’un paysan, et qu’on ne peut disposer légèrement de sa main. Le sang le plus