Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/152

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tions, ma tante. Qui est, qui peut être exactement digne de ce qui est excellence même ? Il peut se faire que je ne le mérite pas entièrement, mais je n’en suis pas non plus complètement indigne. Ma naissance vaut la sienne ; sa fortune n’est guère plus considérable que la mienne ; mon âge ne s’éloigne pas du sien ; je possède les talents convenables à un chevalier, et je l’aime… plus que mon âme. Il me semble que ce dernier point devrait compter pour quelque chose, car l’homme qui aime à un tel degré, avec un tel dévouement, fera sûrement tous ses efforts pour rendre heureuse celle qui est l’objet de son amour.

— Mon neveu, vous êtes un jeune fou sans expérience, ayant un heureux enjouement, un excellent cœur et une tête faite pour contenir de meilleures pensées que celles qui s’y trouvent d’ordinaire, s’écria doña Béatrix cédant à un mouvement d’affection naturelle, tout en fronçant les sourcils. — Mais écoutez-moi, et, pour cette fois du moins, réfléchissez mûrement à ce que je vous dis. — Je vous ai parlé de la mère de Mercédès, des craintes et des inquiétudes qu’elle avait en mourant, et de la confiance qu’elle a mise en moi. Son Altesse et moi nous étions seules avec elle le matin du jour où son âme prit son essor vers le ciel : à cet instant suprême, elle nous peignit tous ses sentiments d’une manière qui fit sur nos cœurs une impression qui ne s’effacera que lorsque Son Altesse et moi nous aurons fait tout ce qu’il faut pour assurer le bonheur de sa fille. Vous avez nourri des pensées injustes à l’égard de la reine ; je ne sais même pas si vos discours imprudents ne l’ont point accusée de porter ses soins pour le bonheur de ses sujets au-delà des droits légitimes d’un monarque.

— Vous me faites en cela une grande injustice, doña Béatrix, s’écria don Luis avec précipitation ; — j’ai pu sentir, — j’ai senti vivement, cruellement, les conséquences des doutes que doña Isabelle avait conçus de ma constance ; mais jamais une pensée rebelle ne m’est venue à l’esprit, jamais un doute ne s’est élevé dans mon cœur sur le droit qu’elle possède de nous demander nos services et même le sacrifice de notre vie : c’est ce que tous ses sujets doivent à son autorité sacrée. Mais nous qui connaissons si bien le cœur et les intentions de la reine, nous savons que loin de rien faire par caprice ou par le désir de faire sentir son pouvoir, toutes ses actions n’ont d’autre mobile que son affection pour son peuple.