Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/168

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posséder de bons marins et d’être situé en deçà du détroit de Gibraltar, que les pirates africains rendaient quelquefois dangereux. On dit pourtant que cet ordre avait été envoyé au port en question parce que, par suite de quelque contravention aux lois, il avait été condamné à fournir à la couronne, pendant un an, deux caravelles armées. Il paraît que de pareilles punitions faisaient partie de la politique d’un siècle où les équipages des navires ne se composaient guère que de levées faites dans les ports, et où les vaisseaux étaient montés par des soldats de l’armée de terre.

Palos de Moguer, nom du port qui devait payer cette sorte d’amende, était une ville de peu d’importance, même à la fin du quinzième siècle, et n’est plus aujourd’hui qu’un petit village habité par des pêcheurs. Comme la plupart des places qui sont peu favorisées par la nature, cette ville était habitée par une population hardie, et aventureuse, — autant qu’on peut être aventureux dans un siècle d’ignorance. Ce port ne possédait pas d’importantes caraques ; sa pauvreté et le genre de commerce qu’il faisait ne lui rendaient nécessaires que la légère caravelle et la felouque plus humble encore. Toute l’aide que Colomb avait pu obtenir des deux couronnes, après de si longues sollicitations, avait donc été l’ordre d’équiper ces deux caravelles, et d’y placer les hommes et les officiers qui faisaient inévitablement partie d’une expédition royale. Le lecteur ne doit pourtant pas conclure de ce fait qu’Isabelle eût été coupable d’une lésinerie sordide, ou d’un manque de foi envers Colomb. Cette circonstance avait pour cause l’épuisement du trésor de la reine, par suite de la dernière guerre contre les Maures, et peut-être encore plus l’expérience et le génie du grand navigateur lui-même, qui savait fort bien que, pour un voyage de découverte, des caravelles seraient plus utiles et plus sûres que de plus grands bâtiments.

Sur le haut d’un promontoire rocailleux, à moins d’une lieue de Palos, était le couvent de la Rabida, devenu depuis si célèbre par l’hospitalité qu’y reçut Colomb. Sept ans avant l’époque où notre récit nous amène, le grand navigateur, conduisant par la main son fils fatigué, s’était présenté à la porte de cet édifice pour solliciter quelque nourriture pour cet enfant. Cette anecdote est trop connue pour qu’il soit utile de la répéter ; nous ajouterons seulement que son long séjour dans ce couvent, les amis qu’il s’était faits tant parmi les pieux franciscains qui l’oc-