Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/177

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rons ce jeune homme à l’hospitalité de notre révérend ami.

Le prieur Juan Pérez n’ayant fait aucune objection à cette proposition, Colomb et Pinzon passèrent dans une chambre voisine, et le laissèrent avec notre héros.

— Vous pensez donc sérieusement, mon fils, à coopérer à cette grande entreprise de l’amiral ? dit le franciscain dès que la porte de l’autre chambre eut été fermée ; et tout en parlant, il examinait don Luis avec plus d’attention qu’il ne l’avait encore fait. Vous avez vraiment une tournure presque semblable à celle des jeunes seigneurs de la cour. Vous aurez besoin de prendre un air moins imposant dans l’étroit espace d’une de nos caravelles.

— Je connais les naos, les caraques, les fustas, les pinasses, les carabélons et les felouques, saint prieur ; et je me comporterai avec l’amiral, comme je me comporterais devant don Ferdinand d’Aragon, s’il était mon compagnon de voyage, on en face de Boabdil de Grenade, si ce malheureux monarque était assis de nouveau sur le trône dont il a été renversé si récemment, et qu’il ordonnât à ses chevaliers de charger ceux de l’Espagne chrétienne.

— Ce sont de belles paroles, mon fils, et prononcées comme dans un tournoi, s’il faut dire la vérité ; mais elles ne vous serviront à rien avec ce Génois, dont la fermeté ne se démentirait pas même en présence de notre gracieuse souveraine doña Isabelle.

— Connaissez-vous la reine, prieur ? demanda Luis, qui oublia son déguisement en faisant cette question avec tant de liberté.

— Je dois la connaître, mon fils, et jusqu’au fond de son cœur, dont la pureté s’est plus d’une fois dévoilée à moi dans le secret du confessionnal. Quelque chérie qu’elle soit de tous les Castillans, pour bien connaître toute l’élévation d’esprit de cette pieuse princesse, de cette femme exemplaire, il faut avoir pu l’entendre au tribunal de la pénitence.

Don Luis toussa, joua avec la poignée de sa rapière, et, suivant son usage, laissa échapper la première pensée qui se présenta à lui :

— Par suite de vos fonctions comme prêtre, prieur, avez-vous jamais eu occasion d’entendre la confession d’une jeune fille de la cour, très-estimée de la reine, et dont je réponds que le cœur est aussi pur que celui de la reine elle-même.

— Mon fils, cette question annonce que vous feriez mieux de