Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/182

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de l’expédition, en hommes plus habitués à exécuter qu’à concevoir un projet. Plusieurs membres de cette famille prirent part avec empressement à cette entreprise ; un frère de Martin Alonzo, nomme Vincent Yanez, marin de profession, accepta le commandement d’un des bâtiments, et un autre entra dans l’expédition en qualité de pilote. En un mot, le mois qui suivit les incidents que nous venons de rapporter, fut activement employé, et pendant ce court espace de temps on fit plus pour arriver à la solution pratique du grand problème de Colomb, que pendant les dix-sept ans qu’il avait été l’objet de toutes ses pensées et de toutes ses actions.

Malgré l’influence locale des Pinzons, il existait encore une forte opposition dans la petite ville où devaient être équipés les bâtiments nécessaires. Cette famille avait ses ennemis aussi bien que ses partisans ; et comme cela arrive dans toutes les entreprises des hommes, il se forma à Palos deux partis qui s’occupaient avec une égale activité, l’un à contrecarrer les plans du navigateur, l’autre à les faire réussir. Un bâtiment avait été saisi pour ce service, d’après les ordres de la cour ; et ceux à qui il appartenait devinrent les chefs de la faction des mécontents. Plusieurs matelots, suivant l’usage du temps, avaient été pris par voie de presse pour ce voyage extraordinaire et mystérieux, et, comme de raison, eux et leurs amis ne tardèrent pas à grossir les rangs de l’opposition. La plupart des travaux nécessaires avaient été faits imparfaitement ; et quand on chercha des ouvriers pour y remédier, ils se cachèrent tous. À mesure que le moment de mettre à la voile approchait, la lutte devenait plus violente, et les Pinzons eurent même la mortification de découvrir que plusieurs de ceux qui s’étaient présentés volontairement pour suivre leur fortune commençaient à chanceler dans leur résolution, et que quelques-uns avaient même déserté.

Telle était la situation des choses vers la fin de juillet, quand Martin Alonzo se rendit au couvent de la Rabida, où Colomb passait la plus grande partie du temps qu’il n’employait pas à surveiller personnellement les travaux d’armement de ses navires, et où Luis de Bobadilla, qui ne pouvait être d’aucune utilité dans l’état actuel des affaires, soupirait sans cesse après un service plus actif, et songeait aux attraits, aux qualités et aux vertus de Mercédès de Valverde. Le père Juan Pérez faisait tous ses efforts pour faciliter les projets de ses amis, et il était résolu,