Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/185

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rien à celui qui n’a rien promis ; mais rien ne lui sera donné au jour du grand compte que doit rendre toute l’espèce humaine. Mais que nous direz-vous de votre bâtiment, la Pinta ? Est-il enfin en état de lutter contre les flots de l’Atlantique ?

— Comme cela arrive toujours à l’égard des bâtiments mis en réquisition pour le service de la couronne, Señor, le travail s’y est fait lentement, et non avec cette activité joyeuse qui accompagne l’ouvrage qu’on entreprend librement et pour son propre profit.

— Ces idiots ont travaillé pour leur propre avantage sans le savoir, dit Colomb. Il est du devoir de l’homme ignorant de se laisser conduire par l’homme plus éclairé, et d’être reconnaissant des avantages qu’il retire des connaissances d’un autre, quoique ce soit contre ses propres désirs.

— Vous avez bien raison, ajouta le prieur, autrement nos fonctions, à nous autres prêtres, se réuniraient à bien peu de chose. La foi, la foi en l’Église, c’est là le premier et le dernier devoir du chrétien.

— Cela paraît raisonnable, dit Pinzon, mais les ignorants trouvent difficile de croire ce qu’ils ne comprennent pas. Quand un homme s’imagine qu’il est condamné à une mort ignorée, il ne voit guère l’utilité qu’il en tirera au-delà du tombeau. Au surplus la Pinta est celui de nos bâtiments qui est le plus près d’être en état de mettre à la voile ; son équipage est au complet, et tous ses hommes ont signé devant notaire des engagements qui ne leur permettront guère de se rétracter.

— Il ne reste donc que la Niña, dit Colomb. Quand elle sera prête, et que nous aurons rempli nos devoirs religieux, nous pouvons espérer de commencer l’exécution de notre entreprise.

— Oui, Señor. Mon frère Yañez a enfin consenti à se charger de ce petit bâtiment ; et ce qu’un Pinzon promet, un Pinzon l’exécute : il sera prêt à partir en même temps que la Santa-Maria et la Pinta ; et il faudra que le Cathay soit bien éloigné, si nous n’y arrivons pas avec l’un ou l’autre de nos navires.

— Voilà qui est encourageant, dit le prieur en se frottant les mains, et je ne doute pas que tout ne finisse bien. Que disent à présent les commères et les bavards de Moguer et des autres ports, sur la forme de la terre, et sur les chances de l’amirante pour arriver aux Indes ?

— Ils continuent à parler à peu près comme ils le faisaient,