ne doit pourtant pas supposer qu’un bâtiment fût dépourvu de tout abri par cela seul qu’il n’était pas ponté. Les caravelles dont on se servait en pleine mer avaient ordinairement des gaillards d’arrière et des gaillards d’avant, joints par des passe-avants, et employaient des toiles goudronnées ou prenaient d’autres précautions semblables, pour empêcher l’eau de la mer d’avarier leur cargaison.
Après toutes ces explications, il faut pourtant avouer que, si l’imagination des hommes qui ne sont pas habitués à la mer s’exagère l’insuffisance des préparatifs ordonnés pour la grande entreprise de Colomb, l’œil expérimenté d’un marin reconnaît qu’ils n’étaient nullement proportionnés à la grandeur de son projet. Mais il n’est pas probable que les marins de ce temps les aient regardes comme insuffisants, car des hommes aussi habitués à l’Océan que les Pinzons n’auraient pas volontairement risqué leur bâtiment, leur argent et leur personne, dans une expédition qui ne leur aurait pas offert les garanties ordinaires de sûreté.
CHAPITRE XIV.
omme Colomb se retira dans sa chambre bientôt après être
arrivé à bord de la Santa-Maria, don Luis n’eut pas d’autre
occasion ce soir-là de converser avec lui. Il est vrai qu’il occupait
une partie de la même chambre, sous le titre supposé de
son secrétaire ; mais le grand navigateur était tellement occupé
d’une foule de choses qu’il lui restait à faire avant de mettre à
la voile, qu’on ne pouvait l’interrompre. Le jeune homme se promena
donc dans les étroites limites du pont, jusqu’à près de minuit,
pensant à Mercédès et à son retour, suivant son usage.