Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/212

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qui empêcha Colomb d’échouer dans son audacieuse entreprise. Pour la première fois depuis qu’il prenait part à cette expédition, Luis jeta les yeux sur cette carte avec quelque curiosité, et il sentit le noble désir de résoudre le grand problème dont un seul coup d’œil lui fit voir et les vastes résultats et les phénomènes intéressants que sa solution expliquerait.

— Par saint Janvier de Naples ! s’écria-t-il, — car la seule habitude d’affectation qu’il eût contractée était d’invoquer les saints particulièrement révérés dans les pays étrangers où il avait voyagé, et d’employer les interjections et les exclamations qui y étaient usitées ; moyen sommaire de faire savoir à ceux devant qui il parlait combien il avait voyagé, et de montrer une partie de ce qu’il avait appris dans ses voyages. — Par saint Janvier ! don Christoval, ce voyage aura un mérite surprenant, si nous trouvons notre route à travers cette immense ceinture d’eau, et surtout si nous pouvons la traverser une seconde fois pour revenir.

— Cette dernière difficulté, répondit Colomb, est celle qui, en ce moment, occupe principalement l’esprit de la plupart des hommes qui sont avec nous sur ce bâtiment. Ne voyez-vous pas l’air grave et consterné de nos matelots, et n’entendez-vous pas les gémissements qui partent du rivage ?

À cette question, don Luis leva les yeux de dessus la carte, et les jeta sur la scène qui se passait autour de lui. La Niña, légère felouque, était déjà sous voiles, et dépassa rapidement la Santa-Maria, sous une voile latine de misaine ; plusieurs barques remplies de gens dont la plus grande partie étaient des femmes et des enfants qui se tordaient les bras et poussaient des cris de désespoir voguaient autour d’elle. La Pinta faisait son abattée, et était également assiégée par un certain nombre de barques, quoique l’autorité de Martin Alonzo Pinzon y rendît le chagrin moins bruyant. Un cortège semblable entourait la Santa-Maria ; mais le respect inspiré par l’air de dignité de l’amiral tenait les barques à quelque distance. Évidemment la plupart de ces malheureux s’imaginaient voir pour la dernière fois leurs parents et leurs amis, et le plus grand nombre de ceux-ci se figuraient aussi qu’ils allaient quitter l’Espagne pour ne la revoir jamais.

— Avez-vous vu Pépé ce matin ? demanda Colomb à don Luis, l’aventure du jeune marin se représentant pour la première fois à son esprit. S’il manque à sa parole, ce sera un mauvais pré-