Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/227

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que l’honnête Martin Alonzo est un excellent marin, et il découvrira sans doute quelque expédient pour atteindre les Canaries, où l’on trouvera le moyen de réparer cette avarie, et même de plus considérables.

— Vous avez raison, Luis, et il faut l’espérer ainsi. Je regrette que la mer soit trop forte pour nous permettre de donner du secours à la Pinto. Mais Martin Alonzo est un très-habile marin, et il faut compter sur ses talents. Cependant ce gouvernail démonté, quoique ce soit un accident sérieux en pleine mer, n’est pas la principale source de mon inquiétude ; elle a une cause qui m’occupe beaucoup plus. Vous savez que la Pinto a été fournie pour le service de la reine, qui a ordonné fermement des deux caravelles que devaient fournir les délinquants de Palos, et c’est au grand mécontentement des propriétaires de ce bâtiment qu’il a été choisi. Or, ces individus, Gomez Rascon et Christoval Ruintero, sont à bord de leur caravelle, et je ne doute pas qu’ils n’aient préparé cet accident. Ils ont eu recours à mille manœuvres pour retarder notre départ, et il paraît qu’ils veulent les continuer en pleine mer pour nuire à notre expédition.

— Par la fidélité que je dois à doña Isabelle, señor amiral, j’aurais bientôt puni une telle trahison, si l’on me chargeait de ce soin. Permettez-moi de prendre le canot ; je me rendrai à bord de la Pinta, et je déclarerai à ce Rascon et à ce Quintero que, si leur gouvernail ose encore se démonter, ou qu’il arrive quelque autre accident à la caravelle, le premier sera pendu à la vergue de son propre bâtiment, et le second jeté à la mer pour en examiner la quille.

— Il ne faut pas en venir à de tels actes d’autorité sans un motif très-important et sans être bien sûr que le châtiment soit mérité. Je crois qu’il sera plus sage de chercher à nous procurer une autre caravelle aux Canaries ; car cet accident me fait voir que nous serons exposés aux menées de ces deux individus, jusqu’à ce que nous soyons débarrassés de leur bâtiment. Il serait dangereux de mettre le canot à la mer ; sans quoi je me rendrais moi-même à bord de la Pinta. Quoi qu’il en soit, ayons confiance en Martin Alonzo et en son expérience.

Colomb continua à encourager au travail l’équipage de la Pinta, et au bout d’une heure ou deux les trois bâtiments marchaient de conserve dans la direction des Canaries. Malgré le délai qu’ils avaient éprouvé, ils firent dans ces vingt-quatre heures près de