CHAPITRE XV.
n vent continuant à être favorable, les trois bâtiments avancèrent
assez rapidement vers les Canaries. Le dimanche surtout
fut un jour prospère, car l’expédition fit cent vingt milles dans
les vingt-quatre heures. Dans la matinée du lundi 6 août, Colomb
causait gaiement sur la dunette avec don Luis et une ou
deux autres personnes, quand on vit la Pinto carguer tout à coup
ses voiles de l’avant, et venir au vent vivement, pour ne pas dire
gauchement. Cette manœuvre annonçait quelque avarie, et comme
par bonheur la Santa-Maria avait l’avantage du vent, elle s’avança
rapidement vers ce navire.
— Comment donc, señor Martin Alonzo, s’écria l’amiral dès que les deux caravelles furent assez près l’une de l’autre pour qu’on pût se parler ; pour quelle raison vous êtes-vous arrêté si soudainement dans votre marche ?
— La fortune l’a voulu ainsi, don Christoval. Le gouvernail de la bonne caravelle est démonté, il faut le remettre en place avant que nous puissions de nouveau nous fier et la brise.
Le front du grand navigateur prit un air sévère, et ayant ordonné à Martin Alonzo de faire de son mieux pour réparer cette avarie, il se promena quelques minutes sur le pont avec agitation. Voyant combien l’amiral prenait à cœur cet accident, tout l’équipage descendit sous le pont et le laissa seul avec le prétendu gentilhomme de la chambre du roi.
— J’espère, Señor, que ce n’est pas un accident sérieux, et qu’il n’est pas de nature à retarder notre marche, dit Luis après quelques instants d’un silence dicté par le respect que ressentaient pour l’amiral tous ceux qui approchaient de sa personne ; je sais