Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/244

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reprit don Luis, qui avait un dédain tout à fait espagnol pour ses voisins de la Péninsule. On dit que c’est un prince savant et hardi ; mais la commission et la bannière de la reine de Castille ne sont pas à mépriser, et surtout ici, au milieu des îles qui lui appartiennent.

— Nous ne sommes pas en forces suffisantes pour résister à celles qui ont probablement été envoyées contre nous. Les Portugais doivent connaître le nombre et le port de nos bâtiments, et ils ont sans doute pris les moyens nécessaires pour arriver à leur but, quel qu’il puisse être. — Ah ! Luis, mon destin a été bien cruel, quoique j’espère humblement que la fin me dédommagera de tout ceci. Pendant bien des années, j’ai supplié les Portugais d’entreprendre ce voyage, et de chercher à faire avec honneur ce que la reine Isabelle vient de commencer si glorieusement. Ils ont écouté avec froideur mes raisonnements et mes prières, ils les ont rejetés avec dédain et dérision ; et à peine commencé-je à exécuter les projets dont ils se sont si souvent moqués, qu’ils cherchent à les déjouer par la violence et la trahison !

— Noble amiral, nous mourrons jusqu’au dernier avant que cela arrive.

— Notre seul espoir est un prompt départ. Grâce aux soins et au zèle de Martin Alonzo, la Pinta est en état de partir, et nous pouvons quitter Gomère demain au lever du soleil. Je doute qu’ils aient la hardiesse de nous suivre dans les déserts inconnus de l’Atlantique, sans autres guides que leurs faibles connaissances, et nous partirons au premier rayon du jour. L’important est de pouvoir quitter les Canaries sans être aperçus.

En parlant ainsi ils arrivèrent auprès du canal, et bientôt ils furent à bord de la Santa-Maria. Déjà les pics des îles s’élevaient comme des ombres dans l’atmosphère, et quelques minutes plus tard, les caravelles ne parurent que comme des points noirs dont on ne pouvait distinguer la forme au milieu de l’élément agité qui battait leurs flancs.