Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/282

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opposés à ceux de tous les pilotes de la flotte, — que ceux-ci ne furent pas fâchés de voir qu’il n’avait pas dessein de prendre un instrument en main, mais qu’il paraissait disposé à abandonner à leurs connaissances et à leur expérience le soin de faire l’observation. Le soleil descendit lentement ; on épia l’instant convenable, et alors les pilotes commencèrent leur travail de la manière usitée à cette époque. Martin Alonzo, le plus habile et le plus instruit de tous les pilotes de l’expédition, fut le premier à terminer la sienne. Du haut de la dunette, l’amiral dominait le château-gaillard d’arrière de la Pinta, qui n’était qu’à environ cinquante toises de la Santa-Maria, et il remarqua, bientôt que Martin Alonzo allait d’une boussole à l’autre avec l’air d’un homme qui ne sait que penser. Au bout d’une minute ou deux, l’esquif de la Pinta fut mis à la mer ; on fit un signal au bâtiment amiral de diminuer de voiles, et l’esquif se fraya un chemin à travers les herbes qui couvraient encore la surface des eaux. À l’instant où Martin Alonzo montait d’un côté sur la Santa-Maria, son frère Vincent Yañez, commandant de la Niño, en faisait autant de l’autre. Un moment après ils étaient tous deux à côté de Colomb, sur la dunette où Sancho Ruiz et Barthélemy Roldan, pilotes de l’amiral, les avaient suivis.

— Que signifie cette hâte, Martin Alonzo ? demanda Colomb d’un ton calme. Pourquoi votre frère, vous, et ces honnêtes pilotes, venez-vous à moi avec autant de précipitation que si vous aviez de bonnes nouvelles à nous donner du Cathay ?

— Señor amirante, Dieu seul peut savoir s’il sera permis à aucun de nous de voir ce pays éloigné, ou toute autre côte à laquelle des marins ne peuvent arriver qu’à l’aide d’une boussole, répondit Martin Alonzo pouvant à peine respirer. Nous avons comparé nos astrolabes, et nous les trouvons tous, sans exception, s’écartant d’un bon quart du vrai nord.

— Ce serait vraiment une merveille ! Vous avez fait quelque erreur dans vos observations, ou omis quelque chose dans vos calculs.

— Pardonnez-moi, noble amiral, dit Vincent Yañez, venant en aide à son frère ; les aiguilles même commencent à nous manquer de foi ; et comme je mentionnais cette circonstance au plus ancien timonier de mon bâtiment, il me dit que, la nuit dernière, l’étoile polaire n’était pas d’accord avec son astrolabe.

— D’autres disent la même chose ici, ajouta Ruiz ; et il en est