Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/283

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même qui sont prêts à faire serment que cette merveille a été remarquée depuis que nous sommes entrés dans cette mer couverte d’herbes.

— Tout cela peut être vrai sans qu’il en résulte aucun malheur, Señores, répondit Colomb l’œil calme et le front serein. Nous savons tous que les corps célestes ont leurs révolutions, dont quelques-unes sont sans doute irrégulières, tandis que les autres sont plus conformes à certaines règles établies. Il en est ainsi du soleil même, qui tourne autour de la terre dans le court espace de vingt-quatre heures ; tandis qu’il a sans doute d’autres mouvements moins sensibles et que la distance prodigieuse à laquelle il est de notre globe nous empêche de saisir et d’apprécier. Bien des astronomes ont cru avoir découvert ces variations, ayant quelquefois vu sur le disque de son orbe des taches qui ont disparu ensuite, comme si elles se fussent cachées derrière le corps de ce grand astre. Je crois que l’on reconnaîtra que l’étoile polaire a subi quelque légère déviation, et continuera à se mouvoir ainsi pendant un temps assez court, après quoi on la verra sans doute reprendre sa position ordinaire. Nous verrons alors que son excentricité temporaire n’a dérangé en rien son harmonie habituelle avec l’aiguille. Observez bien, cette nuit, l’aiguille polaire ; prenez une nouvelle amplitude du soleil demain matin, et je crois que l’exactitude de ma conjecture sera prouvée par la régularité du mouvement du corps céleste. Bien loin de nous laisser décourager par ce signe, nous devrions plutôt nous féliciter d’avoir fait une découverte qui agrandira le domaine de la science.

Les pilotes furent obligés de se contenter de cette manière de résoudre la difficulté, à défaut d’autres moyens pour l’expliquer : ils restèrent longtemps sur la dunette à s’entretenir d’une circonstance si étrange ; et comme les hommes, même dans leur plus grand aveuglement, finissent presque toujours, à force de raisonnements, par se tranquilliser ou par céder à la crainte, leur entretien les conduisit à ce premier résultat. Cela était heureux ; mais en ce qui concernait les matelots, la difficulté subsistait encore dans toute sa force. En effet, sitôt que les équipages des trois bâtiments eurent appris que les aiguilles commençaient à dévier de leur direction ordinaire, un sentiment voisin du désespoir s’était emparé deux presque sans exception.

Dans cette occurrence, les services de Sancho Mundo furent