Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/30

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avaient maintenu longtemps leur autorité dans les parties méridionales du royaume de Léon, et avaient laissé après eux dans les palais de la capitale quelques traces de leur magnificence barbare. Les plafonds élevés et ornés d’arabesques n’étaient pas aussi splendides que ceux qu’on voyait plus au sud de l’Espagne, mais on reconnaissait que les Maures avaient été là, et le nom de Veled Ulid, transformé ensuite en Valladolid, rattache évidemment cette ville aux souvenirs laissés par les Arabes.

Dans la salle dont nous venons de parler, et qui faisait partie du principal palais de cette ville, celui de don Juan de Vivéro, se trouvaient deux femmes occupées d’une conversation animée qui semblait les intéresser vivement. Toutes deux étaient jeunes, et quoique leur genre de beauté fût très-différent, toutes deux auraient été regardées comme belles dans tous les siècles et dans tous les pays. L’une d’elles avait un air d’amabilité que rien ne pouvait surpasser. Elle venait d’entrer dans sa dix-neuvième année, âge où les formes d’une femme ont reçu leur entier développement dans un climat aussi chaud ; et le poëte ayant le plus d’imagination de toute l’Espagne, pays si renommé pour la beauté, n’aurait pu concevoir l’idée d’une femme plus parfaite. Ses mains, ses pieds, son buste et tous ses contours étaient un modèle de grâce ; et sa taille, sans s’élever à cette hauteur qui lui aurait donné un air masculin, suffisait pour ennoblir un maintien qui annonçait une dignité tranquille. Celui qui la voyait ne savait trop d’abord si l’influence qu’elle exerçait sur lui venait de la perfection du corps ou de l’expression qui l’animait. Sa figure était, sous tous les rapports, digne des belles formes de son corps. Quoique née sous le soleil brillant de l’Espagne, son lignage la reportait, par une longue suite de rois, aux souverains goths, et les alliances fréquentes avec des princesses étrangères avaient produit sur sa physionomie ce mélange des attraits brillants du nord et des charmes séduisants du sud, qui porte la beauté d’une femme au point le plus rapproché de la perfection.

Son teint était d’une blancheur éclatante, et ses longs cheveux blonds étaient de cette nuance qui s’approche d’une couleur plus marquée, sans en prendre la teinte distinctive : — ses yeux bleus, pleins de douceur, dit un éminent historien, rayonnaient d’intelligence et de sensibilité ; — c’était dans ces miroirs de l’âme que se trouvaient ses plus hauts droits à l’amabilité, car ils