Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/310

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y être ; et comme la réputation de Colomb pour calculer la marche journalière d’un bâtiment surpassait de beaucoup celle de tous les autres pilotes de la flotte, ce fait fut regardé comme tout à fait démontré. On se livra donc à des transports de joie, et l’on passa de nouveau du découragement à l’espérance : mais cette illusion devait encore être bientôt suivie de désappointement.

On ne peut douter que Colomb ne fût sincère en tout ce qui avait rapport à cette nouvelle illusion, à l’exception de la réduction journalière qu’il faisait sur la distance parcourue. De même que tous les cosmographies de ce siècle, il croyait la circonférence de la terre beaucoup plus petite qu’elle ne l’est réellement, comme l’ont démontré les calculs qui ont été faits depuis ce temps, et il en retranchait d’un seul trait presque toute la largeur de l’océan Pacifique. Ses idées à cet égard étaient fort naturelles, et l’on s’en convaincra en jetant un coup d’œil sur les faits géographiques que les savants possédaient alors comme autant de données pour leurs théories.

On savait que le continent de l’Asie était bordé à l’est par un vaste océan, et qu’une semblable étendue d’eau bordant l’Europe du côte de l’ouest ; d’où l’on tirait la conséquence plausible, dans la supposition que la terre fût une sphère, qu’il n’existait que de l’eau et des îles entre ces deux limites extrêmes de la terre. Or il se trouve moins de la moitié de la véritable circonférence du globe entre les bornes de l’ancien continent à l’orient et à l’occident, tel qu’il était connu à la fin du quinzième siècle ; dans l’état des connaissances humaines à cette époque c’eût donc été un effort d’esprit trop hardi de se faire une idée quelconque d’un fait si étonnant. Les théories se contentaient donc de resserrer les bornes de l’est et de l’ouest dans un cercle beaucoup trop étroit, faute de données pour en tracer un plus étendu, croyant que c’était déjà assez de hardiesse de soutenir que la terre avait une forme sphérique. Il est vrai que cette théorie remontait jusqu’à Ptolémée et probablement beaucoup plus loin : mais l’antiquité même d’un système devient un argument contre lui, quand il s’est écoulé des siècles sans que l’expérience en ait démontré la vérité. Colomb supposait que son île de Cipango, ou le Japon, était à environ cent quarante degrés de longitude à l’est de sa position véritable ; et comme un degré de longitude, sous le trente-cinquième degré de latitude septentrionale, qui est celle du Japon, en supposant la surface de la terre parfaite-