Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/314

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taient les louanges de celui dont la volonté les avait tirées du néant.

— Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! — chantèrent ces grossiers matelots dont le cœur était attendri par l’idée des dangers auxquels ils avaient échappé et du succès qu’ils avaient obtenu, comme si une seule bouche eût reproduit l’harmonie solennelle de ce chant religieux ; — gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Nous vous louons, nous vous bénissons, nous vous adorons, nous vous glorifions, nous vous rendons grâces à cause de votre grande gloire, etc., etc.

Pendant ce noble chant, qui paraît s’approcher des cantiques des anges autant qu’il peut être au pouvoir des hommes de le faire, on entendait la voix de Colomb, forte et distincte, mais tremblante d’émotion.

Après cet acte de pieuse reconnaissance, les matelots montèrent sur les mâts, pour s’assurer mieux encore de leur succès. Tous furent d’accord pour déclarer que la masse encore informe qu’on apercevait était bien la terre, et leur premier transport de joie fit place à un sentiment plus calme de sécurité. Le soleil se coucha un peu au nord des sombres montagnes qu’on voyait, jetant sur l’Océan autant d’ombre qu’on en trouve jamais sous le ciel des tropiques et sous un firmament sans nuages. Lorsqu’on eut établi le premier quart, Colomb, qui, toutes les fois que le vent le permettait, avait toujours fait gouverner directement à l’ouest, donna ordre, pour satisfaire l’impatience des équipages, de gouverner au sud-ouest, d’après la boussole, ce qui était, par le fait, gouverner au sud-ouest quart de sud. Le vent augmenta, et comme l’amiral avait supposé que la terre était à environ vingt-cinq lieues quand on avait cessé de la voir au coucher du soleil, personne à bord de la petite flotte ne douta qu’on ne la vît distinctement le lendemain matin. Colomb lui-même partageait cet espoir, quoiqu’il n’eût changé sa route qu’avec répugnance, parce qu’il croyait fermement qu’il trouverait le continent en avançant directement vers l’ouest, ou vers ce qu’il croyait l’ouest, quoiqu’il n’eût pas la même confiance d’y découvrir une île.

Peu d’individus à bord des trois caravelles dormirent bien cette nuit-là. — Les richesses et les merveilles de l’Orient se présentèrent comme des visions à l’esprit même de ceux qui avaient le moins d’imagination, et des rêves que la soif de l’or et la cu-