Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/322

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ayons des îles au sud, et même au nord ; mais nous devons avoir un continent à l’ouest. Pourquoi abandonner le certain pour l’incertain, et renoncer à une grande découverte dans l’espoir d’en faire une moins importante ? Pourquoi préférer à Cipango ou au Cathay quelque île fort agréable sans doute, et produisant toutes les épices, mais sans nom célèbre, et dont la découverte ne peut être aussi glorieuse que celle des côtes orientales de l’Asie ?

— Je voudrais pourtant, Señor, pouvoir vous décider à gouverner plus au sud.

— Allons, allons, Martin Alonzo, oubliez ce désir. Mon cœur est à l’ouest, et ma raison m’apprend qu’il faut l’y suivre. D’abord écoutez mes ordres, et ensuite cherchez la Niña, afin que votre frère, le digne Vincent Yañez, puisse aussi les exécuter. Si nous venions à nous séparer pendant la nuit, votre devoir à tous deux sera de gouverner à l’ouest et de chercher à nous retrouver ; car il serait désagréable et inutile pour chacun de nous d’errer isolément sur cet océan inconnu.

Quoique évidemment très-mécontent, Pinzon fut obligé d’obéir, et après une courte mais vive altercation avec l’amiral, il s’éloigna pour porter cet ordre à la felouque.

— Martin Alonzo commence à chanceler, dit Colomb à Luis. C’est un marin hardi et très-habile, mais la constance dans ses projets n’est pas son plus grand mérite. Il faut que la main ferme de l’autorité l’empêche de céder à cette faiblesse. — Le Cathay ! — Le Cathay est le but de mon voyage.

Après minuit, le vent augmenta, et, pendant deux heures, les caravelles glissèrent sur la surface unie de l’Océan avec la plus grande vélocité, c’est-à-dire, à raison de neuf milles par heure. Peu d’individus quittaient alors leurs vêtements, à moins que ce ne fût pour en changer, et Colomb passa la nuit sur la dunette, étendu sur une vieille voile. Luis en fit autant, et tous deux étaient déjà debout quand l’aurore commença à poindre. L’idée générale paraissait être que la terre était voisine, et qu’on était sur le point de faire une grande découverte. Une pension viagère de dix mille maravédis avait été promise par les souverains à celui qui découvrirait la terre le premier, et tous les yeux étaient aux aguets, quand l’occasion le permettait, afin de remporter ce prix.

Lorsque la lumière commença à se répandre sur l’océan, vers l’horizon occidental, chacun crut voir une apparence de terre, et