Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/35

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bien voulu devenir l’époux de la future reine de Castille. Mais même nos plus indignes Castillans virent bientôt l’inconvenance d’une telle union. Leur fierté ne voulait pas courir la chance de voir leur pays devenir un fief de la France.

— Ce malheur ne serait jamais arrivé à notre chère Castille, dit Isabelle avec dignité. Quand j’aurais épousé le roi de France lui-même, il aurait appris à me respecter comme reine et maîtresse de cet ancien royaume, et ne m’aurait pas regardée comme une sujette.

— En ce cas, Señora, continua Béatrix, regardant Isabelle en face et en riant, il y avait aussi votre parent Richard de Glocester[1], celui qui avait, dit-on, des dents en naissant, et qui porte déjà un fardeau si pesant sur le dos[2], qu’il peut remercier son saint patron de ne pas être chargé en outre des affaires de la Castille.

— Ta langue est caustique, Béatrix. On assure pourtant que le duc de Glocester est un prince d’un caractère noble et généreux ; et qu’il est probable qu’il épousera un jour une princesse dont le mérite le consolera aisément de ne pas avoir réussi en Castille. — As-tu quelque autre chose à dire sur les prétendants à ma main ?

— Que puis-je dire de plus, ma chère maîtresse ? Nous voici arrivées à don Ferdinand, littéralement le premier de tous les prétendants à votre main, quoique le dernier en date, et, comme nous le savons, le meilleur de tous.

— En choisissant don Ferdinand, dit Isabelle avec douceur, quoique, en dépit de ses idées royales sur le mariage, elle se sentît mal à l’aise en discutant ce sujet, je crois avoir été guidée par les motifs qui conviennent à ma naissance et à mes espérances futures ; car rien ne peut mieux assurer la paix de notre cher pays et le succès de la grande cause de la chrétienté, que la réunion de la Castille et de l’Aragon sous un seul souverain.

— C’est-à-dire, en unissant leurs souverains par les saints nœuds du mariage, ajouta Béatrix avec un air de gravité respectueuse, quoiqu’un sourire cherchât encore à se montrer sur ses lèvres. — Qu’importe que don Ferdinand soit le plus jeune,

  1. On n’est pas d’accord sur la question de savoir lequel des princes anglais prétendait à la main d’Isabelle, Édouard IV lui-même, Clarence ou Richard. Isabelle était petite fille de Catherine de Lancastre, dont le père était Jean de Grant.
  2. Richard, duc de Lancastre, était bossu.