Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/37

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celle de l’aurore, — d’une vertu qui touche presque déjà au ciel ; — et une couronne…

— Béatrix ! Béatrix ! — ta langue t’emporte trop loin. — De pareils discours ne conviennent ni à ta bouche ni à mes oreilles.

— Et cependant, Señora, ma langue est proche voisine de mon cœur.

— Je te crois, ma bonne Béatrix ; mais nous devons penser l’une et l’autre aux saints conseils que nous avons reçus dans le confessionnal. Ces discours flatteurs semblent trop légers quand nous nous rappelons toutes nos fautes et le besoin que nous avons de pardon. Quant à ce mariage, tu devrais faire attention que je n’y ai songé que par des considérations et des motifs dignes d’une princesse, et non par caprice ou légèreté. Tu sais que je n’ai jamais vu don Ferdinand, et qu’il n’a pas même jeté une seule fois les yeux sur moi.

— Assurément, ma chère maîtresse, je sais tout cela ; je vois, je crois et j’avoue qu’il ne conviendrait pas, même à une fille de noble naissance, de contracter les obligations importantes du mariage sans meilleur motif que les inclinations d’une villageoise. Il est parfaitement juste que nous soyons également tenues de consulter notre propre dignité et les désirs de nos parents et de nos amis ; et notre devoir et l’habitude de soumission dans laquelle nous avons été élevées sont de meilleurs gages de notre affection conjugale que les fantaisies de l’imagination d’une jeune fille. Cependant, Señora, il est très-heureux que le sentiment de vos devoirs vous indique un prince aussi jeune, aussi brave, aussi noble, aussi chevaleresque que l’est le roi de Sicile, comme nous le savons d’après ce que nous en a dit le père Alonzo, et que tous mes amis soient d’accord pour dire que don Andrès de Cabrera, tout écervelé et tout extravagant qu’il est, fera un excellent mari pour Béatrix de Bobadilla.

Isabelle, quoiqu’elle montrât en général de la réserve et de la dignité, avait ses moments d’abandon avec ses confidentes, et Béatrix était celle qu’elle préférait. Elle sourit de cette saillie, et, séparant de sa belle main les boucles de cheveux noirs qui tombaient sur le front de son amie, elle la regarda à peu près comme une mère regarde sa fille, quand son cœur est agité par un mouvement soudain de tendresse.

— Si un écervelé doit épouser une folle, tes amis ont jugé sainement, dit-elle. — Et après un moment de silence, pendant lequel