Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/375

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les autres signes de destruction nautique. Il est vrai que la Niña était à l’ancre en sûreté, à une faible distance ; mais un sentiment d’isolement et d’abandon s’empara du jeune homme en regardant ce petit bâtiment, qui n’était guère qu’une felouque et qui avait été élevé au rang de caravelle pour ce beau voyage. Le rivage était couvert de matériaux, et il était évident que les Espagnols et les sujets de Guacanagari travaillaient de concert à la construction d’une sorte de forteresse, ce qui présageait que de grands changements étaient survenus dans expédition. Ozéma fut laissée dans la maison d’un des naturels, et ses deux compagnons pressèrent le pas pour rejoindre leurs amis et leur demander l’explication de ce qu’ils voyaient.

Christophe Colomb reçut son jeune ami avec cordialité, mais plongé dans une profonde affliction. La manière dont le bâtiment avait échoué a souvent été rapportée ; Luis apprit en même temps que la Niño étant un trop petit bâtiment pour transporter tous les Espagnols, une colonie serait laissée dans la forteresse, tandis que le reste de l’équipage se hâterait de retourner en Espagne. Guacanagari s’était montré plein de zèle et de bonté, et tout le monde avait été trop occupé du naufrage pour s’apercevoir de l’absence de notre héros, ou pour donner aucune attention à un incident aussi commun que celui d’une invasion d’un chef caraïbe pour enlever une beauté indienne. Peut-être même ce dernier événement était-il trop récent pour être connu jusque sur le rivage.

La semaine qui suivit le retour de Luis fut active et occupée. La Santa-Maria avait échoué dans la matinée de Noël 1492, et le 4 janvier suivant, la Niño était prête à partir, pour retourner en Europe. Pendant cet espace de temps, Luis n’avait vu Ozéma qu’une fois. Il l’avait trouvée mélancolique, muette, et semblable à une fleur qui conserve encore sa beauté, même lorsqu’elle est flétrie. Cependant, dans la soirée du 3, tandis qu’il se promenait près de la forteresse nouvellement terminée, il fut invité par Sancho à une nouvelle entrevue. Notre héros, à sa grande surprise, trouva le jeune cacique avec sa sœur.

Quoique le langage manquât dans cette occasion, les parties s’entendirent à merveille. Ozéma n’était plus mélancolique ni accablée par le chagrin : le sourire se montrait sur ses lèvres, la gaieté dans son jeune esprit, et Luis pensa qu’il ne l’avait pas encore vue si séduisante et si belle. Elle avait disposé sa simple