Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pieds de hauteur, et des flots d’écume sont souvent portés par le vent à une grande distance sur terre. Lisbonne a en face d’elle l’immensité de l’Océan, qui n’est rompue par aucune île ou promontoire, et la côte entière du Portugal est la plus exposée de l’Europe. Les vents du sud-ouest particulièrement arrivent à travers douze cents lieues d’Océan, et les lames qu’ils jettent sur les côtes sont réellement effrayantes. La tempête que nous avons essayé de décrire n’était pas une tempête ordinaire. La saison avait été orageuse et n’avait laissé que rarement l’Atlantique en repos. Les vagues soulevées par un coup de vent avaient à peine le temps de se calmer, qu’un autre grain donnait à l’eau une nouvelle direction, ce qui occasionnait cette irrégularité de mouvements qui fait la détresse d’un navire et qui est particulièrement dangereuse pour les petits bâtiments.

La caravelle se releva.

— Don Christophe, s’écria Luis, lorsqu’ils ne furent plus qu’à une portée de fusil de la pointe, encore dix minutes d’une course aussi favorable et nous sommes hors de danger.

— Vous avez raison, mon fils, répondit l’amiral avec calme. Si quelque malheur nous jetait sur les rocs, au bout de cinq minutes deux planches de la Niña ne tiendraient pas ensemble. — Mollissez la barre, Vincent Yañez, mollissez la barre d’un bon quart, et laissez la caravelle fendre l’eau. Tout dépend des voiles, et nous pouvons éviter cette pointe. Nous sommes en mouvement, Luis ! regardez la terre, et vous verrez comme nous avançons.

— Cela est vrai, Señor ; mais la caravelle approche de la pointe d’une manière effrayante.

— Ne craignez rien, la hardiesse est souvent ce qu’il y a de plus sûr. L’eau est profonde sur cette côte, et nous n’en tirons pas beaucoup.

Personne ne parla plus. La caravelle s’approchait de la pointe avec une vitesse effrayante, et chaque minute l’amenait visiblement plus près de cette chaudière qui bouillonnait autour d’elle. Sans entrer précisément dans le tourbillon, la Niña en côtoya les bords, et cinq minutes après elle faisait route directe vers le Tage ouvert devant elle. La grande voile fut alors carguée, et les matelots avancèrent sans crainte, certains d’un port et en pleine sécurité.

Ainsi se termina le plus grand exploit maritime dont le monde eût jamais été témoin. Il est vrai que la caravelle fut encore