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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/407

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cieuse verdure à la fin de mars. Le roi avait, depuis quelques semaines, repris ses occupations habituelles, et Isabelle, remise de ses craintes conjugales, reprenait aussi le cours paisible de ses devoirs et de ses œuvres bienfaisantes. Fatiguée de la pénible splendeur de sa position par les événements récents, et soupirant après les affections domestiques, cette femme estimable avait plus vécu depuis quelque temps, entourée de ses enfants et de ses amis intimes, qu’elle n’avait jamais pu le faire, malgré son goût naturel pour la vie retirée. Sa plus ancienne amie, la marquise de Moya, était comme de raison, toujours auprès de sa personne, et Mercédès passait la plus grande partie de son temps, soit en la présence immédiate de sa royale maîtresse, soit dans celle de ses enfants.

Vers la fin du même mois, il y avait en un soir une assemblée peu nombreuse à la cour, et Isabelle, heureuse d’échapper à de semblables scènes, s’était retirée dans son appartement particulier, pour jouir de la conversation du cercle qu’elle aimait. Il était près de minuit. Le roi travaillait comme à l’ordinaire dans un cabinet voisin. Outre les membres de la famille royale et doña Béatrix avec sa charmante pupille, il y avait encore l’archevêque de Grenade, Luis de Saint-Angel, et Alonzo de Quintanilla. Ces deux derniers avaient été appelés par le prélat pour discuter quelque question de finance ecclésiastique devant leur illustre maîtresse. Cette affaire était terminée, et Isabelle rendait la réunion agréable avec toute la condescendance d’une princesse et la grâce si douce d’une femme.

— A-t-on quelques nouvelles de ces infortunés juifs, señor archevêque ? demanda Isabelle, que ses sentiments d’humanité portaient à regretter la sévérité que sa pieuse confiance en ses confesseurs l’avait portée à sanctionner. Nos prières les suivront certainement, quoique notre politique et nos devoirs aient exigé leur expulsion.

— Señora, répondit Fernando de Talavera, ils servent probablement Mammon parmi les Maures et les Turcs, comme ils le servaient en Espagne ; que l’esprit indulgent de Votre Altesse ne s’inquiète pas du sort de ces descendants des ennemis du Christ et de ses bourreaux. S’ils souffrent, ils souffrent avec justice pour le crime irrémissible de leurs pères. Informons-nous plutôt, ma gracieuse souveraine, des señores Saint-Angel et Quintanilla, qui sont ici, de ce qu’est devenu leur favori Colomb le Génois,