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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/406

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presque le même jour que Colomb mit à la voile du port de Palos, l’attention du peuple entier était dirigée vers l’événement qu’on pouvait appeler une calamité nationale. Ce départ ressembla à celui de la même nation en Égypte ; toutes les grandes routes furent couvertes de masses mouvantes, et bien des familles erraient sans savoir où porter leurs pas.

Le roi et la reine avaient quitté Grenade au mois de mai, et après avoir séjourné deux mois en Castille, ils passèrent en Aragon vers le commencement d’août. Ils étaient dans ce royaume, lorsque l’expédition mit à la voile. Ils y restèrent jusqu’à la fin de la saison, terminant d’importantes affaires, et probablement pour éviter le spectacle de la misère qu’avait causée leur édit contre les juifs, la Castille étant la province d’Espagne qui contenait le plus grand nombre de ces malheureux. En octobre, les souverains vinrent visiter la turbulente Catalogne. La cour passa l’hiver entier à Barcelone. Des événements accidentels occupèrent tristement Ferdinand et Isabelle pendant qu’ils étaient dans cette partie de leur territoire. Le 7 décembre, un attentat fut commis sur la personne de Ferdinand. L’assassin le blessa grièvement, sinon mortellement, au cou. Durant plusieurs semaines, pendant lesquelles la vie du roi fut en danger, Isabelle veilla à son chevet avec les soins infatigables d’une femme dévouée, et ses pensées, tout entières à l’objet de son affection, s’occupaient peu de l’agrandissement de son royaume. Les investigations sur les motifs du criminel succédèrent. On suppose toujours une conspiration en pareil cas, quoique l’histoire démontre que la plupart de ces attentats coupables contre la vie des souverains sont plutôt les résultats du fanatisme individuel que d’un plan combiné entre des mécontents.

Isabelle, dont la bonté s’attendrissait sur les misères que sa soumission religieuse l’avait portée à infliger aux juifs, n’eut point à déplorer un malheur plus grand pour elle, la perte de son mari par une mort violente. Ferdinand recouvra peu à peu la santé. Toutes ces circonstances, jointes aux soins de l’État, avaient distrait les pensées de la reine elle-même du voyage de Colomb, tandis que Ferdinand avait depuis longtemps fait intérieurement le sacrifice de l’or dépensé pour cette expédition, qu’il regardait comme à jamais perdu.

Le printemps balsamique du sud reparut sur ces entrefaites, et la fertile province de Catalogne se couvrit d’une fraîche et déli-