Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/414

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que je m’apprête à dire est déjà deviné ; c’est le savoir qui rend les uns grands et les autres petits ! Par la messe ! don Christophe lui-même aura besoin de tout son esprit s’il arrive jusqu’à Barcelone.

— Parle-nous de ce Pédro de Mïuños, car ton message est pour moi.

— Alors, Señora, je vous parlerai de votre brave neveu, le comte de Llera, qui est encore connu sur la caravelle sous deux autres noms, dont l’un est supposé faux, tandis que c’est l’autre qui est le plus trompeur.

— On sait donc ce que mon neveu est réellement ? Beaucoup de personnes sont-elles dans ce secret ?

— Certainement, Señora. Il est d’abord connu de lui-même, secondement de don Christophe, troisièmement de moi, quatrièmement de Martin Alonzo Pinzon, s’il existe encore en chair et en os, ce qui ne me paraît pas probable. Il est en outre connu de Votre Seigneurie, et cette belle señorita doit avoir quelque soupçons de l’affaire.

— Suffit ! je vois que le secret n’est pas public, quoique je ne puisse expliquer comment il est parvenu jusqu’à un homme de ta classe. Parle-moi de mon neveu. A-t-il aussi écrit ? En ce cas, donne-moi sa lettre, que je la lise.

— Señora, mon départ a pris don Luis par surprise, et il n’a pas eu le temps d’écrire. L’amiral a confié aux soins du comte les princes et les princesses que nous avons ramenés d’Española, et il a bien autre chose à faire que de barbouiller des lettres ; sans cela il eût écrit des feuilles entières à une tante aussi respectable que vous l’êtes.

— Des princes et des princesses ! Que voulez-vous dire, l’ami, avec vos termes si relevés ?

— Seulement que nous avons ramené plusieurs de ces grands personnages en Espagne pour offrir leurs respects à Leurs Altesses. Nous n’avons aucun rapport avec le fretin, Señora, mais avec les plus hauts princes et les plus belles princesses de l’est.

— Et prétends-tu réellement que des personnes de ce rang sont venues avec l’amiral ?

— Sans aucun doute, Señora. Une d’elles est d’une beauté si rare, que les plus belles dames de la Castille feront bien de ne pas la regarder, dans la crainte de mourir de dépit ; c’est une amie particulière et favorite de don Luis.