Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/42

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les prétentions de la fille de Joanna de Portugal au trône et déclaré Isabelle héritière de la couronne, il avait été stipulé que celle-ci ne se marierait que du consentement du roi. Elle excusa donc la démarche qu’elle allait faire d’après le motif que ses ennemis n’avaient pas exécuté la condition solennelle qui avait été convenue de ne la forcer à aucun mariage inconvenant ou qui lui serait désagréable. Elle parla ensuite des avantages politiques qui résulteraient de l’union des couronnes de Castille et d’Aragon, et pria le roi de donner son approbation à la démarche qu’elle allait faire. Cette lettre, après avoir été soumise à Juan de Vivéro et autres seigneurs formant le conseil de la princesse, fut envoyée au roi par un exprès. On s’occupa alors des arrangements préliminaires à une entrevue entre les futurs époux. L’étiquette castillane était proverbiale même dans ce siècle, et la discussion amena une proposition qu’Isabelle rejeta avec sa modestie et sa discrétion ordinaires.

— Il me semble, dit don Juan de Vivéro, que cette alliance ne doit pas avoir lieu sans que don Ferdinand reconnaisse d’une manière quelconque la supériorité de la Castille sur l’Aragon. La maison qui règne sur ce dernier royaume n’est qu’une branche cadette de la maison royale de Castille, et il est reconnu que le territoire du royaume d’Aragon était autrefois une dépendance du nôtre.

Cette proposition fut fortement appuyée ; mais la princesse intervint, et, en exposant ses sentiments aussi naturels que louables à ce sujet, elle fit sentir la faiblesse et les défauts d’un tel avis.

— Il est indubitablement vrai, dit-elle, que don Juan d’Aragon est fils du frère puîné du roi mon aïeul, mais il n’en est pas moins roi. Indépendamment de son royaume d’Aragon, pays qui, si vous le voulez, est inférieur à la Castille, il porte les couronnes de Naples et de Sicile, pour ne rien dire de la Navarre qui est en sa puissance, quoique ce ne soit peut-être pas à très-bon droit. Don Ferdinand lui-même est roi de Sicile par suite de la renonciation de don Juan ; et lui, qui est souverain couronné, fera-t-il des concessions à une simple princesse qu’il peut ne jamais plaire à Dieu de placer sur le trône ? D’ailleurs, don Juan de Vivéro, je vous prie de vous souvenir du but qui amène le roi de Sicile à Valladolid. Lui et moi, nous avons deux rôles à jouer et deux caractères à soutenir, — ceux de prince et de princesse,