Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/426

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ensemble de cette affaire, quand ce phénomème, comme il l’appelait, fut observé pour la première fois ; et nous en vînmes à conclure que rien dans ce monde n’est aussi stable qu’il le paraît. Soyez-en bien sûr, señor don Pédro, l’étoile polaire tourne comme une girouette.

— Je ferai quelques questions à ce sujet à l’illustre amiral. Mais après ces mouvements de l’étoile polaire, quel fait trouvez-vous le plus digne de remarque, señor Sancho ? — Je parle du cours ordinaire des choses ; nous laisserons la science pour y revenir dans une autre occasion.

C’était là une question trop grave pour y répondre légèrement ; et, pendant que Sancho y réfléchissait, la porte s’ouvrit, et Luis de Bobadilla se présenta avec sa grâce ordinaire et en costume brillant. Une douzaine de voix prononcèrent son nom, et Pierre Martir se leva pour le recevoir d’un air cordial, mais qui semblait mêlé de reproche.

— Je vous ai demandé l’honneur de cette visite, señor comte, quoiqu’il y ait quelque temps que vous n’avez pris mes leçons et mes conseils, parce que j’ai pensé qu’un jeune homme qui aime les voyages autant que vous les aimez, trouverait de l’utilité et de la satisfaction à apprendre les merveilles d’une expédition aussi glorieuse que celle de Colomb. Ce digne marin, ce pilote, en qui l’amiral a sans doute beaucoup de confiance, a bien voulu accepter une invitation à notre simple repas, et il est sur le point de nous faire part d’un grand nombre de faits et d’incidents intéressants qui ont eu lieu pendant ce grand voyage. — Señor Sancho Mundo, vous voyez don Luis de Bobadilla, comte de Llera, grand d’Espagne d’un haut lignage, et qui n’est pas inconnu sur les mers, car il y a fait plusieurs voyages.

— Il est inutile de me le dire, señor Pédro, répondit Sancho en rendant avec un respect un peu gauche le salut plein de grâce que lui adressait don Luis ; je le vois d’un coup d’œil. Son Excellence a été dans l’Orient aussi bien que don Christophe et moi ; mais nous y avons été par des chemins différents, et aucun de nous n’est parvenu jusqu’au Cathay. Votre connaissance est un honneur pour moi, don Luis, et j’ose dire que le noble amiral mettra les voyages sur mer plus à la mode qu’ils ne l’ont été depuis bien des années. Si vous voyagez dans les environs de Moguer, j’espère que vous ne passerez pas devant la porte de Sancho Mundo sans vous informer s’il est chez lui.