Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/457

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froideur. Quant à moi, je suis convaincue, et ma justice exige que j’agisse sans plus de délai.

— Comte de Llera, dit l’amiral d’un ton grave, convenez-vous, ou niez-vous que vous soyez l’époux de doña Ozéma.

— Je le nie complètement, señor amiral. Je ne l’ai pas épousée ; je n’ai jamais eu la pensée d’épouser une autre femme que doña Mercédès.

Luis fit cette réponse d’un ton ferme, et avec cet air de franchise et de sincérité qui faisait le plus grand charme de ses manières.

— Mais lui avez-vous donné par votre conduite, par quelque acte de légèreté, le droit de croire que vous aviez dessein de épouser ?

— Jamais. Je n’aurais pas traité une sœur avec plus de respect que j’en ai toujours montré pour Ozéma ; et cela est prouvé par le fait que je l’ai placée, aussitôt qu’il m’a été possible, sous la protection de ma tante et dans la compagnie de Mercédès.

— Cela me paraît raisonnable, Señora. Un homme a toujours trop de respect pour la vertu de votre sexe, pour risquer de l’offenser, même dans ses légèretés.

— En opposition à toutes ces protestations, señor amiral, et à toutes ces belles idées de vertu, nous avons la déclaration claire et précise d’une jeune fille qui n’a point appris à tromper, qui est trop simple et trop ingénue pour pouvoir tromper, et d’un rang qui rendrait aussi inutile qu’indigne d’elle de vouloir tromper.

— Béatrix, vous pensez comme moi ; vous ne pouvez trouver aucune excuse pour ce chevalier félon, quoiqu’il ait fait autrefois l’orgueil de votre maison.

— Je ne sais trop qu’en dire, Señora ; quelles qu’aient été les fautes et les faiblesses de Luis, — et Dieu sait qu’il en a commis assez ! — il n’a jamais manqué à l’honneur, ni outragé la vérité. J’ai même attribué la manière dont il a confié la princesse à nos soins, à l’impulsion d’un cœur qui ne désirait pas cacher les erreurs de la tête, et à l’espoir que sa présence dans ma famille me ferait connaître plus tôt la vérité. Je voudrais qu’on fît encore quelques questions à doña Ozéma, afin de nous assurer qu’elle n’est pas dupe de quelque étrange erreur.

— Cela est équitable, répondit Isabelle, que son amour pour la justice portait toujours à faire l’examen le plus approfondi de toutes les affaires sur lesquelles elle avait à prononcer. — Le sort