Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/459

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reuse méprise, causée par la différence des langues et des coutumes. Don Luis n’est pas coupable de l’illusion que se fait cette jeune Indienne. Je l’ai vu lui donner cette croix : c’était sur mer, pendant une tempête, et je conçus une idée favorable du zèle du comte pour le salut d’une âme plongée dans les ténèbres. Dans un pareil moment, il ne pouvait être question de mariage ; et une femme étrangère à nos usages était la seule qui pût y voir autre chose que le don d’un symbole religieux, qu’on espérait pouvoir être utile à un être qui n’avait jamais eu l’avantage ni de recevoir le baptême, ni d’assister aux offices de l’Église.

— Don Luis, confirmez-vous ce rapport ? affirmez-vous que le don de cette croix n’ait été fait que dans cette intention ? demanda la reine.

— C’est la pure vérité, Señora. Nous étions en face de la mort, et je sentis que cette pauvre Indienne, qui s’était placée sous ma protection avec la confiance et la simplicité d’un enfant, avait besoin de quelque consolation : je n’en trouvai aucune qui fût plus convenable, dans un pareil moment, que ce souvenir de notre divin Rédempteur et de notre rédemption. Il me sembla qu’à défaut du baptême c’était le meilleur préservatif pour son âme.

— Ne vous êtes-vous jamais présenté avec elle devant un prêtre ? N’avez-vous abusé, en aucune manière, de son innocence et de sa simplicité ?

— Il n’est pas dans mon caractère de tromper, Señora ; et je vous révélerai chaque faiblesse dont j’ai pu être coupable dans mes relations avec Ozéma. Sa beauté et ses manières attrayantes, sa ressemblance avec doña Mercédès, parlent d’elles-mêmes. Cette ressemblance me prévint fortement en sa faveur ; et si mon cœur n’eût déjà entièrement appartenu à une autre, j’aurais été fier de la prendre pour femme. Mais il ne m’était pas possible d’y songer, même un seul instant, quoique cette ressemblance m’eût fait faire des comparaisons qui ne pouvaient qu’être favorables à une femme élevée dans ignorance de la véritable religion. Que j’aie éprouvé quelque tendresse pour Ozéma, j’en conviens ; mais qu’elle ait jamais été sur le point de supplanter Mercédès dans mon cœur, je le nie positivement. Si j’ai une faute à me reprocher à l’égard d’Ozéma, c’est de n’avoir pas toujours été capable de cacher les sentiments que m’inspiraient sa simplicité ingénue, et surtout sa ressemblance avec doña Mercédès. Du reste, je ne l’ai jamais offensée ni en paroles, ni en actions.