Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/477

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cédès, première femme, parce que aimer elle mieux. — Puis marier Ozéma seconde femme, — femme inférieure, — parce que lui aimer elle le mieux après Mercédès. — Ozéma chrétienne maintenant, — pas d’obstacle. — Venez, archevêque, faire Ozéma seconde femme de Luis.

Un profond gémissement échappa à Isabelle, et elle se retira dans un coin de la chapelle, tandis que Mercédès, fondant en larmes, s’agenouilla, cacha son visage sur le lit, et pria avec ferveur pour que l’âme de la princesse se dégageât des ténèbres qui l’enveloppaient encore ; le prêtre accueillit avec moins d’indulgence cette preuve de l’ignorance de sa pénitente et de son peu de préparation au sacrement qu’il venait de lui administrer.

— Jeune femme non encore éclairée, dit-il d’un ton sévère, le saint baptême est salutaire ou terrible, suivant les dispositions qu’on y apporte ; la demande que vous venez de faire a déjà chargé votre âme du poids d’un nouveau péché. Nul chrétien ne peut avoir deux femmes en même temps, et Dieu ne connaît ni première ni seconde entre ceux que son Église a unis. Vous ne pouvez pas être la seconde femme, tandis que la première vit encore.

— Pas vouloir être à Caonabo, non ; à Luis, — oui, — la cinquantième femme, — la centième au cher Luis ! — Cela pas possible ?

— Fille aveuglée et malheureuse, je vous dis non, — non, mille fois non ! — jamais, jamais ! La question même est si coupable, qu’elle profane la sainte chapelle et les symboles religieux qu’elle renferme. Oui, vous avez raison, baisez votre croix, et humiliez votre âme dans la douleur, car…

— Seigneur archevêque, interrompit la marquise de Moya avec une vivacité qui montrait combien son ancien caractère venait d être réveillé ; en voilà assez : celle que vous admonestez si vivement ne peut plus vous entendre ; son âme pure s’est envolée devant un autre tribunal, où elle trouvera, je l’espère, un juge plus clément. — Ozéma a cessé de vivre !

Ce que la marquise annonçait n’était que trop vrai. Terrifiée par les paroles du prélat, — bouleversée par la confusion d’idées qu’excitait en elle la différence des dogmes qu’on venait de lui enseigner et de ceux dans lesquels son enfance avait été élevée ; frappée par la certitude que son dernier espoir d’être unie à Luis venait de s’évanouir, l’âme de l’Indienne avait abandonné sa