Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/479

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sans bornes, regardait celui qui n’avait pas quitté le sol natal à peu près du même œil que le preux qui a gagné ses éperons regarde celui qui a passé sa jeunesse dans l’oisiveté. Plusieurs nobles, dont les domaines touchaient à la Méditerranée ou à l’Atlantique, équipèrent de petits navires côtiers, appelés yachts dans le quinzième siècle, et se mirent en devoir de suivre les sinuosités des glorieuses rives de cette partie du monde, s’efforçait de trouver une jouissance dans une occupation qu’il semblait méritoire d’imiter. Il serait téméraire d’affirmer que tous réussirent à transporter les habitudes de la cour et des châteaux dans les étroites limites des chebecs et des felouques, mais on ne saurait douter que cette tendance de l’époque fut soutenue par l’expérience, et que les hommes rougirent de condamner ce que la politique et l’esprit du jour recommandaient également. La rivalité entre l’Espagne et le Portugal fortifia aussi ce nouveau penchant ; et bientôt le jeune homme qui n’avait jamais quitté ses foyers domestiques courut plus de risques d’être cité pour son manque de courage, que l’aventurier d’être flétri pour sa vie errante et vagabonde.

Cependant les saisons se succédaient, et les événements passaient, suivant leur cours ordinaire, de la cause à l’effet. Vers la fin du mois de septembre, précisément dans cet étroit et romantique passage qui, séparant l’Europe de l’Afrique, unit la Méditerranée aux plaines liquides de l’Atlantique, les rayons du soleil levant brillaient sur le vaste Océan, et de leurs reflets dorés éclairaient tout ce qui s’élevait au-dessus de sa surface. Ces derniers objets n’étaient qu’en petit nombre ; une douzaine de navires se dirigeaient vers différents buts, poussés par une douce brise d’automne. Comme nous n’avons à parler que d’un seul de ces navires, il suffira de le décrire en peu de mots.

Ce bâtiment portait la voile latine, la plus pittoresque de toutes celles inventées par le génie de l’homme, soit que l’art l’offre à nos yeux en miniature, soit qu’elle s’y présente sous ses véritables dimensions. Sa position était précisément aussi celle qu’un peintre aurait choisie comme la plus favorable à son pinceau, la légère felouque courant vent arrière avec une de ces grandes voiles pointues s’étendant de chaque côté comme les ailes d’un énorme oiseau au moment où il va s’abattre sur son nid. On remarquait dans tous les agrès une symétrie inusitée, et la coque, qui se distinguait par des lignes de la plus belle pro-