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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/48

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pour sa modestie, — et l’on peut nous excuser d’employer cette expression. J’espère que Dieu bénira notre union, et qu’elle fera non seulement notre propre bonheur, mais celui de tout notre peuple.

— En ce cas, je puis donc dire, ma fiancée, que désormais nous n’aurons qu’une fortune commune, et que vous vous fierez à moi pour pourvoir à tous vos besoins.

— Imaginons tout ce qu’il nous plaira, Ferdinand, répondit Isabelle, nous ne pouvons nous imaginer que nous soyons les enfants de deux hidalgos sur le point de s’établir dans le monde, chacun avec un faible apport en mariage. Vous êtes roi dès à présent, et moi je suis solennellement reconnue par le traité de Toros de Guisando comme héritière du royaume de Castille. Nous devons donc avoir des ressources séparées, comme des devoirs distincts, quoique j’espère que nos intérêts seront toujours les mêmes.

— Vous ne me verrez jamais manquer au respect dû à votre rang, ni à ce que je vous dois comme chef de notre ancienne maison, après le roi votre frère.

— Vous avez bien examiné le traité de mariage, don Ferdinand ? j’espère que vous en avez approuvé cordialement les différentes conditions ?

— Autant que l’exigeaient l’importance de l’affaire et le prix de la faveur que je vais recevoir.

— Je voudrais qu’elles vous fussent aussi agréables qu’utiles ; car, quoique je doive être votre épouse dans si peu de temps, je ne puis oublier que je serai un jour reine de Castille.

— Vous pouvez être sûre, ma belle fiancée, que Ferdinand d’Aragon sera le dernier à l’oublier.

— Je regarde mes devoirs comme venant de Dieu même, et je me tiens responsable envers lui de leur strict accomplissement. Les sceptres ne sont pas des jouets, Ferdinand, ni des objets dont on doive plaisanter. Nul homme ne porte un fardeau plus pesant que celui qui porte une couronne.

— Les maximes de notre maison n’ont pas été oubliées en Aragon, ma fiancée ; et je me réjouis de voir qu’il en est de même dans les deux royaumes.

— En contractant notre engagement, ce n’est pas à nous-mêmes que nous devons principalement songer, continua Isabelle avec chaleur, car ce serait substituer les sentiments des amants aux