Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/51

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d’un traité. Mais il est juste de faire une distinction entre les motifs, et nous avons le droit de croire que celui qui lit dans les cœurs ne jugera pas sévèrement ce qui est fait dans de bonnes intentions. Si don Henri n’avait pas tenté de s’emparer de ma personne, dans le dessein évident de me forcer au mariage contre ma volonté, cette démarche décisive n’aurait pas été nécessaire, et elle n’aurait pas eu lieu.

— J’ai à rendre grâces à mon saint patron, belle cousine, de ce que votre caractère a été moins souple que vos tyrans ne se l’étaient imaginé.

— Je ne pouvais engager ma foi ni au roi de Portugal, ni à monsieur de Guyenne, ni à aucun de ceux qu’on me proposait pour époux, répondit Isabelle ingénument ; il ne convient pas aux filles de race royale ou noble d’opposer les caprices de leur inexpérience aux sages avis de leurs amis, et ce n’est pas une tâche difficile pour une femme vertueuse d’apprendre à aimer son mari, quand la nature et son opinion ne sont pas trop ouvertement violées par le choix qu’on a fait pour elle ; mais j’ai trop à cœur le salut de mon âme pour vouloir l’exposer à une pareille épreuve en me soumettant aux devoirs du mariage.

— Je sens que je ne suis que trop indigne de vous, Isabelle ; mais il faut que vous m’appreniez à votre tour ce que vous désirez. Tout ce que je puis vous promettre, c’est que vous trouverez en moi un disciple attentif et de bonne volonté.

La conversation roula alors sur des objets plus généraux. Isabelle, cédant à sa curiosité naturelle et à son caractère affectueux, fit diverses questions sur les parents qu’elle avait en Aragon. Après une entrevue de deux heures et plus, le roi de Sicile retourna à Duéñas dans le même incognito qu’il en était venu. Isabelle et lui se séparèrent avec un redoublement d’estime et de respect, la princesse se livrant à ces douces anticipations de bonheur domestique qui appartiennent plus particulièrement aux sentiments de tendresse qui caractérisent une femme.

Le mariage fut célébré avec toute la pompe convenable dans la matinée du 19 octobre 1469, dans la chapelle du palais de don Juan de Vivéro, et deux mille personnes au moins, de haute condition pour la plupart, assistèrent à cette cérémonie. À l’instant où le prêtre allait commencer l’office du mariage, l’œil d’Isabelle laissa voir quelque inquiétude, et, se tournant vers l’archevêque de Tolède, elle lui dit :