Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/50

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devoir plus agréable que de mettre la lance en arrêt contre les infidèles. J’ai déjà gagné mes éperons dans une guerre semblable ; et dès que nous aurons été couronnés, vous verrez si je suis prêt à contribuer à repousser ces mécréants sur les sables d’où ils sont venus.

— Il ne me reste à vous parler que d’une seule chose, mon cousin. — Vous savez de quelle funeste influence mon frère est entouré, et que c’est ce qui a mécontenté une grande partie de ses nobles et de ses villes. Nous serons tous deux fortement tentés de lui faire la guerre, et de prendre le sceptre avant qu’il plaise à Dieu de nous l’accorder par le cours ordinaire de la nature. Je désire que vous respectiez don Henri, non seulement comme le chef de notre maison, mais comme mon frère, mon maître et mon roi. Si de mauvais conseillers le portent à faire quelques tentatives contre nos personnes ou nos droits, il nous sera permis d’y résister ; mais, je vous en prie, Ferdinand, ne prenez les armes sous aucun prétexte contre mon souverain légitime.

— Que don Henri prenne donc garde à sa Beltraneja ! s’écria vivement le prince. — Par le ciel ! j’ai, de mon propre chef, des droits qui passent avant ceux de cette bâtarde. Toute la maison de Transtamare a intérêt à arracher cette branche illégitime, frauduleusement entée sur sa noble souche.

— Vous parlez avec chaleur, Ferdinand, et l’œil de Béatrix de Bobadilla vous en fait lui-même un reproche. L’infortunée Joanna ne peut jamais nuire à nos droits au trône, car il y a bien peu de nobles en Castille assez indignes de leur naissance pour vouloir en placer la couronne sur la tête d’une femme dans les veines de laquelle on croit que le sang de Pelage ne coule point.

— Don Henri vous a manqué de foi, Isabelle, depuis le traité de Toros de Guisando.

— Mon frère est entouré de mauvais conseillers, Ferdinand ; et d’ailleurs nous n’avons pas nous-mêmes strictement exécuté ce traité, dont une des conditions était que je ne disposerais pas de ma main sans le consentement du roi.

— Il nous a forcés à cette mesure, et si le traité n’a pas été exécuté en ce point, il doit se le reprocher à lui-même.

— Je cherche à me le persuader, quoique j’aie fait bien des prières pour obtenir du ciel le pardon de cette apparence de manque de foi. Je ne suis pas superstitieuse, Ferdinand, sans quoi je pourrais croire que Dieu ne verrait pas de bon œil une alliance contractée en contravention aux conditions formelles