CHAPITRE IV.
a matinée du 2 janvier 1492 commença avec une solennité et
une pompe qui étaient inusitées, même dans une cour et un camp
où se trouvaient des souverains aussi adonnés que Ferdinand et
Isabelle aux observances religieuses et à une magnificence royale.
Le soleil se montrait à peine, qu’un sentiment de triomphe mettait
déjà tout en mouvement dans la petite et extraordinaire ville
de Santa-Fé. Les négociations pour la reddition finale de Grenade,
qui avaient été tenues secrètes pendant plusieurs semaines, étaient
terminées ; l’armée et la nation avaient été formellement informées
de leur résultat, et cette journée avait été fixée pour l’entrée
des vainqueurs dans la ville.
La cour portait le deuil de don Alonzo de Portugal, époux de la princesse royale de Castille, lequel était mont peu de temps après son mariage. Mais, dans une occasion si joyeuse, on mit à l’écart tous les symboles du chagrin, et chacun se couvrit de ses vêtements les plus élégants et les plus magnifiques. Il était encore de bonne heure quand le grand cardinal se mit en marche, à la tête d’un corps de troupes considérable, pour aller prendre possession de ce qu’on appelle la Montagne des Martyrs. Tout en y montant, ils rencontrèrent un détachement de cavaliers maures, à la tête duquel se trouvait un homme en qui, à son port plein de dignité, et à l’angoisse qu’exprimaient tous ses traits, il était facile de reconnaître Boabdil, ou Abdallah, et les souffrances mentales qu’il éprouvait. Le cardinal leur montra la position qu’occupait Ferdinand, qui, avec ce mélange de piété et de politique mondaine qui s’unissaient si intimement en lui, avait refusé