Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/73

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le permettaient. Tous trois conversaient librement, car les souverains s’étaient retirés dans leurs appartements privés, et les curieux composant différents groupes étaient tellement émerveillés de la nouveauté de leur situation, et si occupés de leur conversation, qu’ils ne songeaient guère à écouter celle des autres.

— C’est une merveille, Luis, dit doña Béatrix, continuant un entretien auquel il était évident qu’ils prenaient intérêt tous trois, que vous qui avez tant couru le monde, vous n’ayez entendu parler de ce Colon qu’aujourd’hui pour la première fois. Il y a bien des années qu’il sollicite Leurs Altesses de l’aider à exécuter ses projets. Ils ont été solennellement discutés dans un concile à Salamanque ; et il n’a pas été sans trouver des croyants à la cour même.

— Et il faut compter dans ce nombre doña Béatrix de Cabréra, dit Mercédès avec ce sourire mélancolique qui avait la vertu de laisser entrevoir un instant le sentiment profond mais secret qui était caché en elle sous la surface ; — j’ai souvent entendu Son Altesse déclarer que Colon n’avait pas un ami plus sincère dans toute la Castille.

— Son Altesse se trompe rarement, et cela ne lui arrive jamais quand elle juge de mon cœur, mon enfant. Oui, je suis l’appui de Colon, parce qu’il me semble un homme fait pour quelque grande et honorable entreprise ; et certainement l’esprit humain n’en a jamais proposé ou imaginé une plus grande que celle dont il a conçu le projet. Faire connaissance avec les peuples qui habitent de l’autre côté de la terre, trouver des moyens faciles et directs de communication avec eux, et leur procurer les consolations de la sainte Église ! Songez à tout cela !

— Oui, oui, ma tante, dit Luis en riant, et au plaisir de se promener en leur délicieuse compagnie, la tête en bas et les pieds en haut. J’espère que ce Colon n’a pas oublié d’acquérir quelque pratique dans cet art ; car, en marchant de cette manière, il faut du temps pour avoir le pied sûr. Il pourrait commencer à s’exercer sur les rampes de nos montagnes, jetant hardiment sa tête en bas ; ce serait l’A B C de cette science ; après quoi, les murailles et les tours de cet Alhambra lui fourniraient une grammaire pour faire de nouveaux progrès.

Sans s’en apercevoir, Mercédès avait pressé fortement le bras de sa tutrice tandis que doña Béatrix avouait l’intérêt qu’elle