Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/72

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magnificence royale. Les riches ornements en stuc, art d’origine orientale et peu connu alors dans la chrétienté, les gracieuses arabesques, — qui, perfectionnées par imagination de quelques-uns des plus grands génies que le monde ait jamais vus, sont arrivées jusqu’à nous, et devenues si familières en Europe, — décoraient toutes les murailles, tandis que de superbes fontaines faisaient jaillir leurs eaux, qui retombaient en pluie de diamants.

Parmi ceux qui admiraient cette scène d’une beauté presque magique, on distinguait Béatrix de Bobadilla : elle avait depuis longtemps épousé don Andrès de Cabréra, et portait alors le nom de marquise de Moya. L’amie constante et la confidente de la reine, elle continua de l’être jusqu’à la mort de sa maîtresse. Sur son bras s’appuyait légèrement une jeune personne d’un extérieur si remarquable, que peu d’étrangers auraient passé auprès d’elle sans se retourner pour regarder une seconde fois des traits et un aspect qu’il était difficile d’oublier lorsqu’on les avait vus. C’était doña Mercédès de Valverde, une des plus nobles et des plus riches héritières de Castille ; parente, pupille et fille adoptive de l’amie de la reine, titre qui convenait mieux que celui de favorite aux relations qui existaient entre doña Béatrix et Isabelle. Une beauté extraordinaire n’était pourtant pas ce qui rendait doña Mercédès si remarquable et si attrayante ; car quoiqu’elle fût remplie de grâces, bien faite, et que ses traits fussent agréables, il y avait dans cette cour brillante beaucoup de femmes qui pouvaient passer pour plus belles. Mais nulle autre Castillane n’avait une physionomie où se peignît si bien l’âme qui l’animait ; nulle autre n’avait des traits qui portassent une empreinte si profonde de sensibilité ; et le physionomiste de profession aurait été enchanté de trouver en elle les preuves extérieures d’un enthousiasme vif et réel, mais qui ne cherchait pas à se montrer et qui jetait même une ombre de mélancolie sur un front que la nature et la fortune avaient également destiné à être gai et serein. La sérénité n’en était pourtant point bannie, car l’ombre légère qui y siégeait semblait en adoucir l’expression et la rendre plus intéressante, plutôt qu’en troubler le repos ou en voiler l’amabilité.

À l’autre côté de la noble dame était Luis de Bobadilla, qui se tenait un peu en avant de sa tante, de manière à permettre à ses yeux noirs et ardents de rencontrer les beaux yeux bleus expressifs de Mercédès, quand la délicatesse et la modestie de celle-ci