Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/81

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Colon, et quoique vous en ayez fait un sujet de risée, je vois quelles ont un grand poids dans votre esprit.

— Je vous regarderai désormais avec dix fois plus de respect, Mercédès, car vous avez su pénétrer au-delà de ma sotte affectation de mépris et de la légèreté de mes paroles, et vous avez découvert le véritable sentiment qu’elles cachaient. Depuis l’instant où j’ai entendu parler de ce vaste projet, il n’a cessé d’être présent à mon imagination, et l’image du Génois a constamment été à côté de la vôtre dans mon esprit, sinon dans mon cœur. Je serais surpris qu’il n’y eût pas quelque vérité dans ses opinions. Une idée si grande et si noble ne peut être entièrement fausse.

Les beaux yeux de Mercédès étaient fixés avec attention sur la physionomie de Luis, et ils prenaient un nouvel éclat à mesure qu’une portion de l’enthousiasme secret qui existait dans son cœur venait à s’enflammer et prenait cette voie pour se rendre visible.

— La vérité s’y trouve, — elle doit s’y trouver ! s’écria-t-elle avec foi. — Les sublimes pensées du Génois lui ont été inspirées par le ciel, et il vivra assez pour en prouver tôt ou tard la vérité. Figurez-vous un bâtiment faisant le tour de cette terre ; des relations plus sûres et plus promptes établies entre le pays des païens et le nôtre, et la croix jetant son ombre sous le soleil brûlant du Cathay ! Ce sont des prévisions glorieuses et célestes, Luis ; et n’obtiendrait-il pas un éternel renom, celui qui coopérerait à une si grande découverte ?

— De par le ciel ! je verrai demain le Génois, des que le soleil sera levé, et lui demanderai la grâce de prendre part à son entreprise. S’il ne lui faut que de l’or, l’or ne lui manquera pas.

— Vous parlez en Castillan généreux, magnanime et intrépide, s’écria doña Mercédès avec un enthousiasme qui lui fit oublier sa réserve et sa discrétion habituelles ; — comme il convient à Luis de Bobadilla de parler. Mais l’or n’est commun chez aucun de nous en ce moment, et il est hors du pouvoir d’un sujet de fournir la somme nécessaire pour l’exécution d’un pareil projet. Il ne convient même pas qu’un autre qu’un souverain entreprenne une expédition dont le résultat, si elle réussit, peut être de vastes territoires à gouverner. Mon puissant parent, le duc de Médina Céli, a réfléchi sérieusement à cette affaire, et il en a jugé favorablement, comme le prouvent ses lettres à la reine ; mais il